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faisait dire à saint Jean : Il faut que nous accomplissions ainsi toute justice. (Mat. 3,15).
Ce n’est donc point notre pâque, mais la pâque des juifs, que les disciples voulaient préparer. Les disciples ont préparé cette pâque ; Jésus-Christ a préparé lui-même la nôtre, ou plutôt il est devenu lui-même notre pâque par sa passion adorable. Pourquoi donc accepte-t-il des souffrances et la mort ? c’est afin de nous racheter de la malédiction de la loi. C’est la raison pour laquelle saint Paul s’écrie : Dieu a envoyé son Fils, formé d’une femme et assujetti à la loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la loi. (Gal. 4,4, 1) Afin donc qu’on ne dît pas qu’il avait abrogé la loi parce qu’il ne pouvait l’observer, comme étant onéreuse et difficile, il ne l’a abrogée qu’après l’avoir observée dans tous ses points. C’est pour cela qu’il a célébré aussi la pâque, parce que la solennité de pâque était un des points de la loi. Prêtez attention à ce que je vais dire. Ingrats envers Dieu leur bienfaiteur, les Juifs oubliaient sur-le-champ ses bienfaits. En voici la preuve convaincante. Ils étaient sortis de l’Égypte ; ils avaient passé la ruer Rouge, ils avaient vu ses flots s’ouvrir et se refermer, et peu de temps après ils disent à Aaron : Faites-nous des dieux, qui marchent devant nous. (Exo. 32,1) Comment ! juif ingrat, tu as vu de tels prodiges, et tu oublies le Dieu qui te nourrit, tu perds le souvenir de ton bienfaiteur ! Comme donc ils oubliaient les bienfaits qu’ils avaient reçus de Dieu, Dieu avait attaché à la célébration des fêtes, des cérémonies qui retraçaient la mémoire de ses dons, afin que les Juifs se les rappelassent malgré eux. L’ancienne pâque se célébrait avec des cérémonies particulières. Pourquoi ? Afin, dit l’Écriture, que lorsque votre fils vous demandera : Qu’est-ce que cela signifie? (Exo. 12,26), vous lui disiez : Nos pères ont teint le seuil de leurs maisons du sang de cette victime, et ont échappé à la mort dont l’ange exterminateur frappait tous les Égyptiens. Ce sang l’a empêché d’entrer dans leurs maisons, et de les frapper de la plaie dont il frappait toute l’Égypte. Dans l’ancienne pâque, les victimes étaient immolées malgré elles ; dans la nouvelle, Jésus-Christ s’immole volontairement. Pourquoi ? c’est que l’ancienne pâque était une figure de la pâque spirituelle. Pour vous en convaincre, voyez le rapport qui se trouve entre les deux pâques. De part et d’autre, il y a agneau et agneau ; mais l’un est dépourvu de raison, l’autre est doué d’une raison supérieure. Il y a victime et victime ; mais l’une est l’ombre, l’autre, la vérité. Le Soleil de justice a paru, il a fait cesser l’ombre, parce que l’ombre disparaît devant les rayons du soleil. La table mystique nous offre aussi un agneau, afin que nous soyons sanctifiés par son sang. Qu’on ne voie donc plus paraître de flambeau, puisque le soleil s’est montré, puisque ce qui est arrivé anciennement était la figure de ce qui devait arriver par la suite.
5. C’est aux Juifs que j’adresse ces discours, de peur que ne s’abusant eux-mêmes, ils ne croient célébrer la pâque, parce qu’avec une opiniâtreté extrême, ils préparent des azymes, ils font valoir la fête qu’ils célèbrent, eux dont le cœur est toujours incirconcis, dont les oreilles se ferment à la vérité. Quoi donc ! vous célébrez la pâque, et le temple est détruit, l’autel renversé, le Saint des saints foulé aux pieds, tous les sacrifices abolis ! De quel front osez-vous enfreindre la loi ! Transportés jadis à Babylone, vous avez entendu ceux qui vous menaient en captivité vous faire cette invitation : Chantez-nous un cantique du Seigneur (Psa. 136,3) ; et vous n’avez pas répondu à leurs désirs. Mais pourquoi célébrez-vous la pâque hors de Jérusalem, vous qui disiez alors : Comment chanterons-nous un cantique du Seigneur dans une terre étrangère ? C’est pour exprimer ce sentiment que le bienheureux David disait : Nous nous sommes assis sur les bords du fleuve de Babylone, et là nous avons laissé couler nos larmes. Nous avons suspendu nos instruments de musique aux branches des saules de ce pays. Nos instruments de musique, c’est-à-dire, nos lyres et nos harpes, car c’étaient là les instruments dont se servaient les Juifs pour chanter les psaumes. Ceux qui nous menaient en captivité, nous ont demandé de leur chanter nos cantiques. Nous leur avons répondu : Comment chanterons-nous le cantique du Seigneur dans une terre étrangère ? Eh quoi ! vous ne chantez pas le cantique du Seigneur dans une terre étrangère, et vous célébrez la pâque dans une terre étrangère ! Quelle est donc la folie des Juifs ? Lorsque leurs ennemis les forçaient, ils n’ont pas voulu chanter de psaume dans une terre étrangère ; et maintenant, d’eux-mêmes, sans que personne les y force, ils déclarent la guerre à Dieu ! Aussi le bienheureux Étienne leur disait-il : Vous