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ajoute que Judas était avec eux, celui même qui avait dit aux princes des prêtres : Je le livrerai entre vos mains. Jésus-Christ a aveuglé l’esprit de ceux qui venaient pour le prendre, afin de signaler sa puissance, afin de leur faire connaître à eux-mêmes qu’ils entreprenaient une chose impossible. Ensuite, lorsqu’ils eurent entendu sa voix, ils furent renversés, ils tombèrent par terre. Vous voyez comme ils n’ont pu même soutenir sa voix, comme ils ont montré évidemment leur faiblesse par leur chute. Considérez la bonté de Jésus. N’ayant pu triompher par ce coup d’autorité, ni de l’impudence du traître, ni de l’ingratitude des Juifs, il se livre lui-même, et semble dire : J’aurais voulu réprimer leur fureur en montrant qu’ils entreprenaient une chose impossible ; ils résistent, ils persistent dans leur crime ; eh bien ! je me livre moi-même. Je vous fais ces réflexions, mes frères, de peur que quelques-uns de vous ne reprochent à Jésus-Christ de n’avoir pas changé Judas, de ne l’avoir pas rendu meilleur. Mais de quelle manière devait-il rendre Judas sage et vertueux ? était-ce de force ou librement ? si c’était de force, le disciple ne devait point par là devenir meilleur, puisque jamais personne ne se corrigea de force. Si c’était librement et volontairement, il a épuisé tous les moyens qui pouvaient le ramener. Si le malade n’a point voulu recevoir les remèdes, ce n’est pas la faute du médecin, mais du malade qui a rejeté les moyens de guérison. Voulez-vous apprendre tout ce qu’a fait Jésus-Christ pour faire rentrer Judas dans la bonne voie ? il lui a donné le privilège d’opérer nombre de prodiges, il lui a prédit sa trahison, il n’a rien omis, en un mot, de ce qu’il devait faire pour un disciple.
Et afin que vous sachiez que Judas, pouvant se convertir, ne l’a pas voulu, que sa chute a été absolument l’ouvrage de sa négligence, écoutez la suite. Lorsqu’il eut livré son Maître, lorsqu’il eut consommé sa fureur, il jeta les trente pièces d’argent, et dit : J’ai péché en livrant le sang innocent. (Mat. 27,3-4) Quoi ! Judas, tu disais il n’y a qu’un instant : Que voulez-vous me donner, et je le livrerai entre vos mains ? C’est lorsque son crime a été consommé, que le perfide a reconnu sa faute. Apprenons de là que, lorsqu’on se néglige, les exhortations et les conseils ne servent de rien ; tandis qu’avec de la vigilance on peut se relever par soi-même. Voyez, en effet, la conduite de Judas : lorsque Jésus l’exhortait pour le faire renoncer à son entreprise criminelle, il a été sourd à ses avis, il a rejeté ses conseils ; et, lorsque personne ne l’exhorte, sa propre conscience s’élève contre lui, en sorte que de lui-même, sans recevoir de leçons, il change, et jette les trente pièces d’argent. Ils convinrent, dit l’Évangile, de lui donner trente pièces d’argent. C’est le prix qu’ils mettaient à un sang qui n’a pas de prix. Pourquoi, Judas, reçois-tu trente pièces d’argent ? Jésus-Christ, sans autre intérêt que celui de sauver le monde, est venu répandre un sang pour lequel tu fais maintenant une convention ? Quoi de plus impudent qu’un semblable traité ? a-t-on jamais rien vu, a-t-on jamais rien entendu de pareil ?
4. Mais afin que nous sachions quelle différence il y avait entre le traître et les autres disciples, écoutons l’Évangéliste qui raconte tout dans le détail le plus exact. Lorsque ces choses se passaient, dit-il, lorsque la trahison se tramait, lorsque Judas se fut perdu lui-même, lorsqu’il eut conclu un traité coupable, et qu’il cherchait l’occasion de livrer le Sauveur, les disciples s’approchèrent de Jésus, et lui dirent : Où voulez-vous que nous vous préparions de quoi manger la pâque ? Vous voyez disciple et disciples : l’un s’occupait à trahir son Maître, les autres à le servir ; l’un faisait une convention, et se disposait à recevoir le prix d’un sang infiniment précieux, les autres offraient au Sauveur leur ministère. Ils avaient opéré les uns et les autres les mêmes prodiges, ils avaient reçu les mêmes instructions ; d’où venait donc la différence ? de la volonté. C’est de la volonté que viennent les vertus et les vices. C’était le soir que les disciples disaient à Jésus : Où voulez-vous que nous vous préparions de quoi manger la pâque ? Nous apprenons de là que Jésus-Christ n’avait point de domicile marqué. Que ceux qui se construisent des maisons superbes, de vastes palais, apprennent que le Fils de l’homme n’a pas eu, où reposer sa tête. Voilà pourquoi les disciples lui disent : Où voulez-vous que nous vous préparions de quoi manger la pâque ? Quelle pâque ? sans doute la pâque des juifs, celle qui a commencé en Égypte ; car c’est là que les Juifs l’ont célébrée pour la première – fois. Et pour quelle raison Jésus-Christ la célèbre-t-il ? c’est qu’il observait ce point de la loi comme il avait observé tous les autres ; et c’est ce qui lui