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oblation : c’est le Christ mis à mort qui est présent. Mais à cause de qui et pourquoi a-t-il été tué ? C’était pour apporter la paix au ciel et à la terre, pour nous rendre les amis des anges, pour nous réconcilier avec le Maître de toutes les créatures ; c’était pour nous rendre ses amis, nous, ses adversaires et ses ennemis. Il a donné sa vie pour ceux qui le haïssaient et vous conserveriez de l’inimitié contre votre frère ! Et comment pourriez-vous ensuite vous asseoir à la table de la paix ? Il n’a pas reculé devant la mort à cause de vous, et vous refusez de déposer pour lui la colère que vous avez contre votre semblable ? Y a-t-il un pardon pour une pareille conduite ? Il m’a fait du tort, direz-vous, il m’a blessé profondément. Et qu’est-ce que cela. Ce n’est qu’une perte d’argent : car il ne vous a pas encore offensé comme le Christ l’a été par Judas : ce qui n’a pas empêché ce divin Sauveur de verser son sang pour le salut de ceux-là mêmes qui le répandaient. Que pourrez-vous m’objecter de semblable ? Si vous ne pardonnez pas à votre ennemi, ce n’est pas lui que vous blessez, mais vous-même. Vous l’avez blessé souvent dans cette vie, mais vous vous êtes rendu indigne de pardon pour le jour du jugement futur. Dieu ne hait rien tant que l’homme qui conserve du ressentiment, que le cœur gonflé ou l’âme enflammée par la colère. Écoutez donc ce qu’il dit : Lorsque vous offrez votre présent à l’autel, si vous vous souvenez en ce moment que votre frère a quelque chose contre vous, laissez votre offrande à l’autel et allez vous réconcilier avec votre frère, après quoi vous viendrez offrir votre présent. (Mat. 5,23-24) Qu’hésitez-vous à pardonner, puisque ce sacrifice a été institué pour la paix avec votre frère ? Si donc le but de ce sacrifice est de vous conserver en paix avec votre frère et que vous ne vouliez pas de cette paix, vous participez en vain au sacrifice, votre action est rendue inutile. Commencez donc par accomplir ce pourquoi le sacrifice a été offert et alors vous en recueillerez abondamment les fruits. Le Fils de Dieu est descendu pour réconcilier notre nature avec son Seigneur, et de plus, pour nous faire participer à son nom si nous voulions imiter son action. Écoutez : Bienheureux les pacifiques, parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu. (Mat. 5,9) Ce qu’a fait le Fils unique de Dieu, faites-le selon votre pouvoir, afin de vous concilier la paix à vous-mêmes en même temps qu’aux autres. C’est pour cela que vous êtes appelés pacifiques, enfants de Dieu, c’est pour cela qu’au temps du sacrifice on ne vous rappelle aucun autre précepte que celui de la réconciliation avec votre frère, pour vous faire comprendre que c’est le plus grand de tous. Je désirerais m’étendre davantage, mais en voilà bien assez pour ceux qui sont attentifs, s’ils veulent s’en souvenir. C’est pourquoi ; mes bien-aimés, rappelons-nous toujours ces paroles, et ces saints baisers de paix et cette communion terrible. Rien n’est plus propre à unir nos âmes et à faire de nous tous un seul corps que cette participation au corps de notre Sauveur. Confondons-nous donc tous en un seul et même corps, non dans une union charnelle, mais par le lien mutuel de la charité qui réunira nos âmes. Ce sera le moyen de recueillir avec confiance le fruit de ce banquet. Quand même nous aurions pratiqué à l’infini des œuvres de justice, si nous conservons le souvenir des injures, tout cela s’évanouit et ne nous sert de rien ; nous n’en pourrons retirer aucun profit pour le salut.
Après ces enseignements, laissons toute colère, et la conscience purifiée, approchons-nous avec toute la douceur et la modestie possibles de la table du Christ, à qui gloire, honneur, empire, avec le Père et le Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il !
Traduit par M. l’abbé GAGEY, curé de Millery.