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chanterons-nous un cantique du Seigneur dans une terre étrangère ? Que dites vous ? Vous ne chantez pas les cantiques du Seigneur sur une terre étrangère et vous célébrez la pâque du Seigneur sur une terre étrangère ? Quelle ingratitude ! quelle injustice ! Alors que leurs ennemis voulaient les forcer, ils n’osaient pas même chanter un psaume sur une terre étrangère, et maintenant qu’ils sont libres, sans que personne les contraigne ou leur fasse violence, ils se tournent contre Dieu. Comprenez-vous combien sont impurs les azymes ? combien illégitime cette tête ? comment enfin il n’y a réellement plus de pâque judaïque ? Autrefois, il y avait la pâque des Juifs, mais elle a été détruite, et remplacée par la Pâque spirituelle que Notre-Seigneur a établie. Car, pendant qu’ils mangeaient et buvaient, Jésus prit le pain, le rompit et dit : Ceci est mon corps qui est rompu pour vous, pour la rémission des péchés. (Mat. 26,26-28) Ceux qui sont initiés savent ce que ces paroles signifient. – Et prenant ensuite le calice, il dit : Ceci est mon sang qui est répandu pour plusieurs pour la rémission des péchés. (Id) Judas était présent quand Jésus parlait de la sorte. C’est ce même corps que tu as vendu, ô Judas, pour trente pièces d’argent ; c’est ce sang au sujet duquel tu viens de faire un marché infâme avec les perfides pharisiens. O bonté du Christ ! ô démence, ô folie de Judas ! Tu as vendu tory Maître pour trente deniers, et Lui a consenti, (car tel était son bon plaisir) à livrer ce sang pour la rémission de nos péchés. Judas était présent, il participait à la table sainte. Après lui avoir lavé les pieds comme aux autres disciples, le Sauveur voulut encore l’admettre au banquet divin, afin qu’il n’eût aucun motif d’excuse, s’il persévérait dans sa malice. Le Seigneur avait produit et employé tous les moyens en son pouvoir ; malgré tout Judas fut inébranlable dans son dessein pervers.
6. Mais il est temps enfin de s’approcher de cette table terrible. Approchons-nous donc tous avec le calme et la vigilance convenables Qu’on ne voie plus de Judas, plus d’esprits pervers, d’âme empoisonnée affichant des sentiments qu’elle n’a pas. Le Christ est là : c’est lui qui a préparé cette table, c’est lui qu’on y reçoit. Ce n’est pas un homme qui fait que ce qui nous est offert soit véritablement le corps et le sang de Jésus-Christ, mais c’est ce même Christ qui a été crucifié pour nous. Le prêtre, à l’autel, lorsqu’il prononce les paroles n’est que la figure de Jésus-Christ ; la vertu et la grâce viennent de Dieu qui agit quand le prêtre dit : Ceci est mon corps. Ces mots transforment ce qui est offert. Et, de même que cette parole : Croissez et multipliez-vous et remplissez la terre (Gen.I, 28), quoique n’ayant été prononcée qu’une fois, donne à jamais à notre nature la force de se reproduire, ainsi cette autre parole dite une seule fois opère à chaque autel et dans toutes les églises du monde, depuis la première Pâque jusqu’à ce jour, et opérera jusqu’au dernier avènement le sacrifice parfait. Arrière donc les hypocrites, arrière les cœurs pleins de malice, les âmes empoisonnées, car en s’approchant, ils trouveraient leur condamnation. Ce fut en effet après la réception des saints mystères que le démon se précipita sur Judas, non par mépris pour le corps du Seigneur, mais pour Judas, à cause de son impudence, afin de nous apprendre que ceux-là surtout qui participent indignement aux divins mystères sont souvent assaillis et envahis par le diable, comme il arriva à Judas. C’est que les honneurs profitent à ceux qui en sont dignes, tandis qu’ils tournent à la perte de ceux qui en jouissent indignement. En vous parlant ainsi je ne veux point vous effrayer, mais seulement vous rendre plus vigilants. Qu’il n’y ait donc parmi vous ni Judas, ni cœur empoisonné par la malice. Le saint sacrifice est une nourriture spirituelle, et de même que la nourriture corporelle reçue dans un estomac rempli d’humeurs malsaines augmente la maladie, non de sa nature, mais à cause de la mauvaise disposition de l’estomac ; ainsi en est-il pour les mystères spirituels : reçus par une âme pleine de malice, ils la corrompent et l’affaiblissent davantage, non par leur nature, mais par l’effet de la maladie de l’âme.
Que personne ne conserve donc de pensées mauvaises à l’intérieur, mais purifions nos âmes. Nous nous approchons du sacrifice sans tache, rendons notre âme sainte ; nous pouvons y parvenir, même dans un seul jour. Comment ? par quel moyen ? – Si vous avez quelque chose contre votre ennemi, chassez la colère, guérissez cette plaie, faites cesser toute inimitié, afin de recevoir la guérison à la table sainte, en participant au sacrifice terrible et saint. Respectez la matière de cette