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et parce que le Seigneur n’avait pas de maison, ils lui disent : Où voulez-vous que nous préparions ce qu’il faut pour manger la pâque ? Nous n’avons rien de fixe, ni hôtellerie, ni habitation, ni maison. Quelle leçon pour ceux qui construisent des maisons splendides, de vastes portiques, de larges cours ! Le Christ n’eut pas où reposer sa tête. (Mat. 8,20) C’est pourquoi ses disciples lui demandent : Où voulez-vous que nous préparions ce qu’il faut pour manger la pâque ? Quelle pâque? Ce n’était point encore la nôtre, mais celle des Juifs qui ne devait durer qu’un temps. Celle-ci fut préparée par les disciples, Jésus-Christ lui-même fit les préparatifs de la nôtre. Il ne se contenta pas de la préparer, il fut lui-même notre pâque. Où voulez-vous que nous préparions ce qu’il faut pour manger la pâque ? C’était la pâque des Juifs, cette pâque qui avait été instituée en Égypte. – Pourquoi le Christ la mangea-t-il ? Parce qu’il accomplit toutes les prescriptions de la loi. C’est ainsi qu’à son baptême il disait : Il convient que nous accomplissions ainsi toute justice. (Mat. 3,15) Je suis venu racheter l’homme de la malédiction de la loi, car Dieu a envoyé son propre Fils, formé d’une femme et assujetti fi la loi, pour racheter ceux qui étaient sous la loi et abroger la loi. (Gal. 4,4-5) Afin donc qu’on ne l’accusât pas d’avoir aboli la loi, faute de pouvoir l’accomplir parce qu’elle était pénible, difficile et intolérable, il commença par en observer tous les points, puis il la détruisit. Il fit donc la pâque, parce que la pâque était une prescription de la loi. Pourquoi la loi ordonnait-elle de manger la pâque ? Les Juifs étaient ingrats et aussitôt qu’ils avaient été comblés de bienfaits ils oubliaient la loi divine. Ainsi, ils étaient à peine sortis d’Égypte, ils venaient de voir la mer se séparer devant eux et se réunir ensuite, sans compter une foule d’autres miracles, et ils disaient déjà : Faisons-nous des dieux qui nous précèdent. (Exo. 32,1) Que dites-vous ? Les miracles sont encore dans vos mains et voilà que vous oubliez votre bienfaiteur ? Parce qu’ils étaient insensés et ingrats à ce point, Dieu établit les fêtes, comme des monuments destinés à rappeler ses dons et alors il ordonna d’immoler la pâque, afin, dit-il aux Juifs, que si vos fils vous demandent ce que signifie cette pâque, vous leur disiez : Autrefois nos pères en Égypte ont marqué leurs portes du sang d’un agneau, afin qu’en le voyant l’ange exterminateur passât sans oser les frapper ni leur infliger de plaie. (Exo. 12,27) Et dès lors cette fête fut un témoignage perpétuel de leur salut. Elle n’avait pas seulement l’avantage de rappeler le souvenir des bienfaits passés, elle en offrait un autre bien plus grand qui était de figurer l’avenir. Cet agneau en effet était la figure d’un autre agneau spirituel qu’il montrait d’avance. D’abord ce n’était que l’ombre, puis vint la réalité. Mais quand le Soleil de justice eût apparu, l’ombre cessa, comme le soleil à son aurore chasse les ténèbres. C’est pourquoi sur la même table sont célébrées les deux pâques, celle de la figure et celle de la vérité. De même que les peintres sur une même toile commencent par esquisser les figures et par marquer les ombres avant d’appliquer les couleurs qui donnent la vérité et la vie, ainsi fit le Christ. Sur la même table il représenta la pâque figurative et il célébra la nouvelle : Où voulez-vous que nous préparions ce qu’il faut pour manger la pâque. Jusque-là c’était la pâque des Juifs, mais voici le Soleil, que la lampe s’éteigne ! Voici la vérité, que les ombres disparaissent !
5. Disons quelques mots des Juifs qui prétendent célébrer la pâque, de ces cœurs incirconcis qui, dans un dessein pervers, nous objectent les pains azymes. Comment, je vous le demande, pouvez-vous célébrer la pâque, ô Juifs ? Votre temple a été renversé, votre autel détruit, le saint des saints foulé aux pieds, toute espèce de sacrifice aboli, et vous osez commettre de pareilles illégalités ? Vous avez été autrefois à Babylone, et ceux qui vous avaient emmenés en captivité vous disaient : Chantez-nous des cantiques de Sion (Psa. 136, 5,3), et vous refusiez. C’est l’auteur des psaumes qui nous l’apprend en ces termes : Nous nous sommes assis sur les bords des fleuves de Babylone et nous avons pleuré. Aux saules qui sont au milieu de cette contrée nous avons suspendu nos instruments de musique (Psa. 136, 5,1, 2), c’est-à-dire notre harpe, notre cythare, notre lyre et le reste : car on se servait autrefois d6 ces instruments pour s’accompagner en chantant les psaumes. Emmenés en captivité, ils les avaient portés avec eux, en souvenir des habitudes de leur patrie, mais non dans l’intention d’en user. Alors, dit le psalmiste, ceux qui nous avaient emmenés captifs nous demandaient de chanter des cantiques, – et nous avons répondu : comment