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pécheurs étaient punis et les justes récompensés. Mais Judas fut sourd à ces avertissements et Dieu ne l’attira point par force. Comme il nous a laissé le choix des bonnes et des mauvaises actions, il veut que nous soyons bons librement. Si nous nous y refusons, il ne nous force pas, il ne nous fait pas violence, car être bon par nécessité ce n’est plus être bon.
Judas était donc le maître de sa résolution et il pouvait lui aussi résister à l’avarice et ne, pas se laisser entraîner par elle ; mais parce que son esprit était aveuglé il trahit son Sauveur et il dit : Que voulez-vous me donner et je vous le livrerai. Pour mieux nous convaincre de l’aveuglement d’esprit, de la folie de Judas, l’Evangéliste nous le montre présent au moment même où on vient saisir son Maître, lui qui avait dit : Que voulez-vous me donner et je vous le livrerai ? Et pour mieux faire éclater la puissance du Sauveur, Judas ne le voit pas. Mais ce n’est pas tout ; à la voix de Jésus tous les satellites reculent et sont renversés par terre ; seulement, comme rien ne pouvait les faire renoncer à leur projet impudent, il se livra à eux, comme s’il eût dit : J’ai fait tout ce qui dépendait de moi, j’ai manifesté ma puissance, j’ai montré que vous tentiez des choses impossibles. Je voulais réprimer votre malice, mais puisque vous n’avez pas voulu m’entendre et que vous persévérez dans votre folie, je me livre moi-même.
Je suis entré dans tous ces détails de peur que quelques-uns n’accusassent le Christ de n’avoir pas changé Judas, de ne l’avoir pas arrêté dans ses desseins. – Mais comment l’arrêter?-En lui faisant violence ou en changeant sa volonté ? Dans le premier cas, il n’aurait pas mieux valu, car la nécessité ne rend pas meilleur : d’autre part, rien de ce qui pouvait changer son esprit et arrêter ses mauvais desseins n’avait été négligé. S’il ne voulut pas recevoir le remède ce ne fut pas la faute du médecin, mais de celui qui refusa sa guérison. Voyons un peu ce que tenta le Seigneur pour le ramener à une vie meilleure et au salut. Par ses paroles et par ses œuvres il lui apprit toute science, il lui donna le pouvoir sur les démons et la faculté d’opérer bon nombre de miracles ; il l’effraya par la menace de l’enfer, l’exhorta par la promesse du ciel ; il lui reprocha assidûment ses desseins secrets, tout en évitant de les rendre publics : il lui lava les pieds comme aux autres apôtres ; il le fit asseoir à sa table, partager sa nourriture, il ne négligea aucune circonstance, petite ou grande, et malgré tout le malheureux persévéra volontairement dans le mal. Et afin que vous soyez bien convaincus qu’il aurait encore pu changer, mais qu’il ne le voulut pas et que sa lâcheté fut seule la cause de son malheur, écoutez : Après qu’il l’eût livré il jeta les trente pièces d’argent et il dit : J’ai péché en livrant le sang du Juste. (Mat. 28,4) Qu’est-ce que cela signifie ? Lorsque tu voyais opérer des miracles tu ne disais pas : J’ai péché en livrant le sang du Juste, mais bien : Que voulez-vous me donner et je vous le livrerai ? Mais quand le mal est arrivé à son comble, quand la trahison a été accomplie et que la faute a été consommée, alors tu as reconnu ton crime. Quel enseignement trouvons-nous là ? – Tant que nous restons dans l’engourdissement et la lâcheté, les avertissements sont inutiles ; mais avec de l’application et des soins, nous pouvons nous élever au-dessus de nous-mêmes. Voyez Judas : son Maître l’avertit, et il est sourd à sa voix ; ensuite personne ne l’exhorte, et sa propre conscience est ébranlée ; et sans que personne l’instruise il se transforme, il condamne son crime, il jette les trente pièces d’argent. Que voulez-vous me donner et je vous le livrerai ? Et ils s’engagèrent ci lui donner trente pièces d’argent. Ils fixèrent le prix d’un sang qui n’a pas de prix. Pourquoi reçois-tu trente pièces d’argent, ô Judas ? Jésus-Christ est venu répandre gratuitement son sang pour le monde et tu fais de ce sang l’objet d’une convention et d’un pacte infâme ! Quoi de plus indigne qu’un tel marché !
4. Alors s’approchèrent les disciples. – Alors: Quand ? Tandis que ces choses se préparaient, qu’on réglait les conditions de la trahison, que Judas se perdait, les disciples de Jésus s’approchèrent de lui en disant : Où voulez-vous que nous préparions ce qu’il faut pour manger la pâque ? (Mat. 26,17 et 14) Avez-vous remarqué un disciple ? Voyez-vous les autres disciples ? Celui-là livre le Seigneur, ceux-ci s’occupent de la pâque. Le premier fait un marché, les autres se disposent à servir. Tous avaient vu briller les mêmes miracles, reçu le même enseignement et la même puissance. D’où vient cette différence ? – De leur volonté. Telle est partout la cause de tout bien et de tout mal. Où voulez-vous que nous préparions ce qu’il faut pour manger la pâque? C’était le soir, à pareil jour,