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églises dans les villes comme les ports dans la mer, afin qua ceux qui viendront s’y recueillir à l’abri des tempêtes du siècle, y trouvent la tranquillité parfaite. Ici, en effet, vous n’avez rien à redouter : ni la fureur les flots, ni les incursions des pirates, ni les attaques des brigands, ni la violence des vents, ni les surprises des animaux sauvages. C’est un port à l’abri de tous les maux, c’est le port spirituel des âmes. Vous m’êtes témoins de la vérité de mes paroles. Si quelqu’un de vous, en effet, interroge sa conscience en ce moment, il trouvera une grande tranquillité intérieure. Pas de colère qui le trouble, pas de cupidité qui le brûle, pas d’envie qui le ronge ; l’arrogance ne l’enfle pas, l’amour de la vaine gloire ne le corrompt pas ; mais tous ces monstres s’apaisent aussitôt que, semblables à un enchantement divin, les saintes Écritures arrivant par la lecture aux oreilles de chacun ont pénétré jusqu’à l’âme et calmé ces mouvements contraires à la raison. Quel n’est donc pas le malheur de ceux qui, pouvant acquérir une telle sainteté de mœurs, ne s’empressent pas de fréquenter assidûment l’église, notre mère commune ! Pouvez-vous me signaler une occupation plus fructueuse, une réunion plus utile ? Qui vous empêche de venir ici avec nous ? Vous m’alléguerez la pauvreté comme un obstacle qui vous éloigne de cette assemblée magnifique : Ce n’est qu’un vain prétexte. Il y a sept jours dans la semaine, Dieu les a partagés avec nous et il ne s’est pas réservé la plus grande part, en nous laissant la moindre ; il n’a pas même fait les parts égales, en prenant trois jours pour lui et nous en laissant trois, mais il nous a donné six jours et il n’en a réservé qu’un pour lui ; et vous ne daignez pas même pendant ce jour vous abstenir complètement des affaires terrestres ; mais semblables à ceux qui volent le trésor sacré, vous ravissez ce saint jour pour l’employer aux occupations du siècle, vous abusez dans l’intérêt de la vie matérielle de ces instants qui devraient être consacrés aux choses spirituelles.
Mais pourquoi parler d’un jour entier ? Imitez ce que fit la veuve dans son aumône. Elle ne donna que deux oboles (Mc. 12,42 et suiv), et elle reçut de Dieu une grâce abondante. Donnez, vous aussi, deux heures seulement à Dieu, et vous recueillerez pour votre maison le gain d’une multitude de jours. Si vous méprisez mes avis, craignez qu’en ne voulant pas renoncer pour un faible instant aux profits terrestres, vous ne perdiez le fruit de toutes vos années passées. Dieu a coutume, en effet, de punir le mépris qu’on fait de lui en dissipant les richesses amassées. C’est la menace qu’il adressait aux Juifs, qui négligeaient de venir au temple : Vous avez porté vos biens dans vos maisons et mon souffle les a dissipés, dit le Seigneur. (Agg. 1,9) Si vous ne venez à l’église qu’une ou deux fois l’année, comment, je vous le demande, pourra-t-on vous instruire des choses qui sont nécessaires au salut, comme de la nature de l’âme, de celle du corps, de l’immortalité, du royaume des cieux, des peines de l’enfer, de la miséricorde de Dieu, de sa bonté, du baptême, de la pénitence, de la rémission des péchés, des créatures célestes et terrestres, de la nature des hommes, de celle des anges, de la malice des démons, des ruses de Satan, des mœurs et des dogmes, de la vraie foi, des hérésies engendrées par la corruption ? Ces choses et beaucoup d’autres encore, un chrétien doit les savoir pour en rendre compte à qui l’interrogera. Mais vous n’en connaîtrez pas même la plus faible partie si vous ne venez ici qu’une fois par circonstance, moins par des sentiments de piété que par un reste d’habitude et à cause de la solennité ; car c’est à peine si les fidèles qui fréquentent assidûment nos assemblées parviennent à apprendre tout ce qu’il faut savoir. Beaucoup de ceux qui sont ici ont des serviteurs et des enfants. Eh bien ! lorsque vous voulez les faire instruire, vous les confiez à des maîtres que vous avez choisis, vous les éloignez de vous, vous leur fournissez vêtements, nourriture, tout ce dont ils ont besoin, puis vous les envoyez habiter avec leurs maîtres et vous ne permettez pas qu’ils reviennent chez vous, afin que, par une assiduité continuelle, ils profitent mieux, et qu’aucun souci, aucune occupation étrangère à leurs études ne viennent les distraire ; et quand il s’agit pour vous d’apprendre non plus une science vulgaire, mais la plus grande de toutes les sciences, la science de plaire à Dieu et d’acquérir les biens célestes, vous croyez qu’il suffit de vous en occuper une ou deux fois par hasard ? Quelle folie ! Doutez-vous que ce soit là une science qui exige beaucoup d’attention ? Écoutez : Apprenez de moi, dit le Seigneur, que je suis doux et humble de cœur. (Mt. 11,29)