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dit : « Vous accomplirez », mais : « Vous accomplirez ensemble », c’est-à-dire : Vous contribuerez tous à l’accomplir en vous soutenant mutuellement. Ainsi, celui-ci est porté à la colère, et toi tu es lent : supporte donc ses vivacités pour qu’il ne s’impatiente pas de tes lenteurs. De la sorte lui ne péchera pas parce qu’il s’appuiera sur toi, et toi tu ne resteras pas plongé dans ton engourdissement, parce que ton frère sera là pour te soutenir. Ainsi vous vous tendrez réciproquement la main quand vous serez sur le point de tomber, et vous accomplirez la loi en commun, car chacun de vous se tiendra tout prêt à suppléer l’autre. Si vous n’agissez pas ainsi, mais si chacun s’apprête à critiquer les actions du prochain, il n’y aura que désordre parmi vous. De même que le corps, si on exigeait de tous ses membres les mêmes services, ne pourrait plus subsister ; de même nous semons la discorde parmi les frères, si nous demandons à tous la même chose.
« Car si quelqu’un s’estime être quelque chose, il se trompe lui-même, parce qu’il n’est rien (3) ». Dans ce passage il a encore l’arrogance. Car celui qui se croit quelque chose, n’est rien, et par cette indulgence envers lui-même il montre du premier coup son peu de valeur réelle. « Or, que chacun examine bien ses propres actions… ». Dans ce passage il nous fait entendre qu’il faut soumettre notre vie à un examen, et non pas à un simple examen, mais à un examen sévère. Par exemple, as-tu fait quelque bonne action ? Examine si ce n’est pas la vanité, ou la nécessité, ou la vengeance, ou l’hypocrisie, ou quelque autre motif purement humain qui ; t’a fait agir. De même que l’or, qui semble brillant avant d’avoir passé par le creuset, ne brille de tout son éclat qu’après avoir été livré au feu qui en sépare tout alliage impur, de même nos actions ne se laissent bien voir telles qu’elles sont qu’après un sévère examen qui nous y découvre bien des taches. « Et alors il trouvera sa gloire en ce qu’il verra de bon dans lui-même, et non point en se comparant avec les autres (4) ». S’il parle ainsi, ce n’est point pour nous tracer un programme que nous devons suivre, c’est pour condescendre à notre faiblesse. C’est comme s’il disait : Il est absurde de se glorifier, mais si vous y tenez, que ce ne soit pas aux dépens de votre prochain, comme faisait le pharisien. Celui qui aura été élevé à ne pas se glorifier aux dépens des autres, ne tardera pas à ne plus se glorifier du tout. Voilà pourquoi Paul nous a fait cette concession : il a voulu nous faire perdre peu à peu cette habitude tout entière. Car celui qui s’est accoutumé à ne se glorifier que par rapport à lui-même et non par rapport aux autres, se débarrassera bientôt de cette faiblesse. Celui qui ne se croit pas meilleur que les autres (car tel est le sens de ces mots : « En se comparant avec les autres »), mais ne s’enorgueillit qu’en se comparant avec lui-même, celui-là cessera plus tard même d’agir ainsi. Et pour que vous compreniez que tel est le but qu’il poursuit, voyez comme il éveille les craintes de celui à qui il fait cette concession : après avoir dit d’abord : « Que chacun examine bien ses propres actions », il ajoute : « Car chacun portera son propre fardeau (5) ». Il semble vouloir nous dissuader de nous glorifier en nous comparant aux autres, mais en réalité il corrige celui qui se glorifie, afin qu’il ne soit pas fier de lui-même, car il le fait réfléchir sur ses propres péchés, et par ces mots : « De fardeau qu’il faut porter », il pèse sur sa conscience. « Que celui qu’on instruit dans les choses de la foi, assiste de ses biens en toute manière celui qui l’instruit (6) ».
2. Il va désormais parler de ceux qui enseignent, et conseiller à leurs disciples de leur témoigner toutes sortes d’égards. Et pourquoi Jésus a-t-il réglé qu’il en serait ainsi ? Car c’est un précepte du Nouveau Testament, que ceux qui prêchent l’Évangile doivent vivre de l’Évangile. Il en est de même dans l’Ancien Testament : les lévites recevaient de ceux qui étaient au-dessous d’eux des revenus considérables. Pourquoi cela a-t-il été réglé ainsi ? Pour nous procurer l’occasion d’être humbles et charitables. Comme la dignité de ceux qui enseignent les prédispose à l’orgueil, Jésus a prévenu ces sentiments, en les réduisant à avoir besoin des secours de leurs disciples : et par compensation il a donné à ceux-ci l’occasion de faire preuve de bienveillance et de bonté, en les exerçant à être charitables pour leurs maîtres et doux pour les autres hommes. Ce qui n’était pas peu fait pour exciter la charité d’une et d’autre part. Si cela ne se passait pas comme je viens de le dire, pourquoi Dieu,