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cet honneur n’est point réservé à un seul, comme l’honneur de contempler la Loi ancienne fut réservé au seul Moïse. « Tous », dit l’apôtre, « nous contemplons la gloire », non de Moïse, « mais du Seigneur ».
Mais plusieurs combattant les vérités les plus claires, prétendent que ces paroles « lorsqu’ils se seront convertis au Seigneur », se rapportent au Fils. Étudions-les donc avec soin, et voyons d’abord les motifs sur lesquels ils s’appuient. Quels sont-ils ? De même, disent-ils, que l’Écriture dit : Dieu est Esprit ; de même aussi en cet endroit elle dit : Le Seigneur est Esprit. Mais non, l’Écriture n’a pas dit : Le Seigneur est Esprit, mais bien : L’Esprit est le Seigneur. Il y a une grande différence entre ces manières de dire. Quand l’Écriture veut s’exprimer comme vous dites, elle ne joint pas l’article à l’attribut. Mais revenons sur nos pas, et voyons de qui l’apôtre, a voulu parler, quand il disait : « La lettre tue, l’Esprit vivifie » ; et encore : « La loi écrite non avec l’encre, mais par l’Esprit du Dieu vivant ». Est-ce du Fils ou de l’Esprit-Saint qu’il veut parler ? Évidemment c’est de l’Esprit-Saint : car il exhortait les Juifs à quitter la lettre pour se rendre à l’Esprit-Saint. Mais peut-être en entendant ce mot : « l’Esprit », les Juifs trouveront leur condition inférieure à celle de Moïse, puisque Moïse « s’est tourné vers le Seigneur » et eux vers l’Esprit-Saint, C’est pour prévenir cette erreur, que l’apôtre dit : « L’Esprit-Saint est le Seigneur » ; c’est-à-dire, lui aussi est Dieu. Et pour qu’ils comprennent bien qu’il s’agit du Paraclet, il ajoute : « Là où se trouve l’Esprit du Seigneur, là est la liberté ». Impossible de supposer que l’apôtre ait voulu dire : Là où se trouve le Seigneur du Seigneur. Quant à la liberté, il l’oppose à la servitude de la Loi. Ce n’est point du temps à venir qu’il parle, puisqu’il dit ensuite : « Contemplât sans voile la gloire du Seigneur » ; non pas celle qui finit, mais celle qui demeure, d’une gloire nous passons à une autre ; transformés à son image, comme par l’Esprit-Saint qui est le Seigneur (18) ».
Voyez-vous comme il affirme la divinité du Saint-Esprit, comme il met les fidèles au même rang que les apôtres ? D’abord il disait : « Vous êtes la lettre du Christ » ; et ici : « Tous nous contemplerons sans aucun voile ». Or les apôtres étaient venus portant la Loi, comme autrefois Moïse. Mais, dit-il, nous qui sommes apôtres, nous n’avons pas eu besoin de voiles ; vous n’en avez pas eu besoin non plus, vous, qui avez reçu l’Évangile. Or celte gloire est bien autrement éclatante que celle de Moïse : car ce n’est pas la gloire de notre visage, mais celle de l’Esprit-Saint ; et néanmoins, vous aussi bien que nous, vous pouvez y fixer vos regards. Les Juifs ne le purent pas même par un intermédiaire ; vous, sans médiateur, vous pouvez contempler une gloire plus grande ; ils ne purent contempler la gloire de Moïse, vous, vous pouvez contempler celle de l’Esprit-Saint. Si l’Esprit-Saint occupait un rang inférieur ; assurément l’apôtre n’eût point déclaré cette gloire de l’Évangile supérieure à celle de la Loi.
5. Mais que signifient ces paroles : « Contemplant la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image ? » Le sens de ces mots était plus clair, quand le don des miracles déployait toute sa puissance. Cependant on n’aura pas de peine à les comprendre aujourd’hui, si on les envisage avec les yeux de la foi. Quand nous recevons le baptême, notre âme a plus d’éclat que le soleil, purifiée qu’elle est par le Saint-Esprit ; non seulement nous apercevons la gloire de Dieu, mais nous y puisons une certaine splendeur : Voyez l’argent bien pur, exposé aux rayons du soleil lui-même lance des rayons, non pas seulement en vertu de sa propre nature, mais aussi parce qu’il est éclairé par l’astuce du jour : de même l’âme purifiée de ses souillures, devenue plus brillante que l’argent, reçoit les rayons glorieux de l’Esprit-Saint qui les réfléchit à son tour. C’est pourquoi l’apôtre dit : « Contemplant la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en une même image, par la gloire de l’Esprit-Saint, dans la gloire », qui nous est propre désormais, qui réside en nous, et qui a tout l’éclat d e son origine, qui est l’Esprit-Saint.
Voyez donc comment ici encore il qualifie l’Esprit-Saint, de Seigneur ! Ailleurs aussi on peut remarquer son souverain empire : « Pendant qu’ils priaient le Seigneur et qu’ils jeûnaient », disent les Act. « l’Esprit-Saint leur dit : Choisissez pour moi Paul et Barnabé. » (Act. 13,2) Pourquoi l’Écriture emploie-t-elle ces paroles : « Tandis qu’ils priaient le Seigneur, choisissez pour moi », sinon pour montrer que l’Esprit-Saint est au même rang que les autres personnes divines.