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frappant ainsi non seulement dans son corps niais aussi dans son âme, dont la mort amène aussi celle du corps. Tel est le sens de ses paroles, et la suite le prouve avec évidence ; « Afin dune plus vivre que pour Dieu, j’ai été crucifié avec Jésus-Christ ». Il avait d’abord dit : « Je suis mort », et, afin qu’on ne lui ré pondît pas : « Comment se fait-il que tu vives ? » il fait intervenir celui qui est la cause de la vie, et il montre que la loi l’avait fait mourir, lui plein de vie, mais que Jésus l’avait pris et, quoique mort, et à cause même de sa mort, l’avait rendu à la vie : nous faisant ainsi assister à un double miracle, à la résurrection d’un mort, résurrection produite par la mort de celui qui ressuscite. Ici il appelle vie la mort ; car tel est le sens de ces paroles : « Et afin de ne plus vivre que pour Dieu, j’ai été crucifié avec Jésus-Christ ». Comment, dira quelqu’un, peut-il avoir été crucifié et vivre et respirer ensuite ? Que Jésus ait été crucifié, cela ne fait pas de doute ; mais toi, comment se peut-il que tu aies été crucifié et que tu vives encore ?
Examinez donc l’explication qu’il donne : « Et je vis, ou plutôt ce n’est plus moi qui vis, mais c’est Jésus-Christ qui vit en moi (23) ». Par ces mots : « J’ai été crucifié avec le Christ », il fait allusion au baptême, et par ceux-ci : « Ce n’est plus moi qui vis », il fait allusion à cette nouvelle doctrine, dont la conséquence est la mortification de la chair. Et ces mots : « Mais c’est Jésus-Christ qui vit en moi », que signifient-ils ? – Je ne fais rien, dit-il, qui soit contraire à la volonté du Christ. De même qu’en parlant de la mort, il ne pense pas à la mort ordinaire, mais à la mort qui résulte du péché, de même quand il parle de la vie, il pense à la vie de l’âme délivrée du : péché. Vivre pour Dieu, ce n’est as autre chose que d’être mort pour le péché. À l’exemple du Christ qui s’est soumis à la mort physique, je suis mort pour le péché : « Faites donc mourir les membres de l’homme terrestre qui est en vous, la fornication, l’impureté, l’adultère » (Col. 3,5) ; et ailleurs : « Notre vieil homme a été crucifié » (Rom. 6,6), ce qui a lieu au moment du baptême. Après cela, si tu restes mort pour le péché, ta vis pour Dieu, mais si tu retournes au péché, tu corromps cette vie dont tu jouissais. Paul se gardait bien d’agir ainsi, et il ne cessait de rester mort pour la loi. Si donc je vis pour Dieu, dit-il, et que cette vie soit autre que celle de la loi, je suis mort pour la loi, et ne puis plus rester fidèle à la loi.
8. Voyez quelle perfection de vie, et admirez par-dessus toute chose cette âme bienheureuse : il n’a pas dit : « Je vis », mais : « C’est Jésus-Christ qui vit en moi ». Qui peut-être assez hardi pour parler de la sorte ? Car après s’être montré fidèle et docile au Christ ; après s’être débarrassé de toutes les attaches du monde, et avoir toujours agi conformément à ses divines volontés, il ne dit pas : « Je vis pour le Christ », mais ce qui est bien plus fort : « C’est Jésus-Christ qui vit en moi ». De même que le péché, quand il est le maître, vit seul en nous, et fait de notre âme ce qu’il veut, de même s’il vient à mourir en nous et que nous fassions la volonté du Christ, c’est celui-ci qui vit en nous, c’est-à-dire, qui agit, qui domine en nous. Comme après avoir dit : « J’ai été crucifié », et : « Je ne vis plus, mais je suis mort », il semblait à beaucoup dire des choses incroyables, il ajouta : « Et si je vis maintenant dans ce corps mortel, j’y vis en la foi du Fils de Dieu ». Mes paroles, dit-il, ont trait à la vie de l’intelligence, mais si on examinait aussi cette vie des sens, on verrait qu’elle aussi je la dois à ma foi en Jésus-Christ. Car, autant, que cela dépendait de l’ancienne doctrine et de la loi, j’étais digne du dernier supplice, et depuis longtemps tout à fait perdu : « Parce que tous ont péché, et ont besoin de la gloire de Dieu ». (Rom. 3,23) Nous étions donc tous sous le coup d’une condamnation, quand Jésus est venu nous mettre en liberté : nous étions tous morts, sinon en, fait, du moins, suivant l’arrêt porté par la loi, et c’est au moment où nous nous attendions à être frappés qu’il nous a délivrés. La loi nous accusait, Dieu prononçait la sentence fatale, quand Jésus vint, qui se livra à la mort et nous arracha tous à son empire. Aussi a-t-il raison de dire : « Si je vis maintenant dans ce corps mortel, je vis dans la foi ». Sans l’intervention de Jésus, rien ne pouvait prévenir la ruine universelle : on aurait vu se renouveler les scènes du déluge. Mais la présence du Christ retint la colère de Dieu, et il nous a rendu la vie en nous faisant croire en lui, Pour vous convaincre que tel était bien le sens de ses paroles, écoutez ce qu’il dit immédiatement après ; car après ces mots : « Si je vis maintenant dans ce corps mortel, je vis dans la foi », il ajoute : « Dans la foi du Fils