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son voyage, il lui suffisait de dire : « Je vais me mettre au service des saints ». Voyez maintenant quels détails il y ajoute : « Car les Églises de Macédoine et d’Achaïe ont résolu avec beaucoup d’affection, de faire quelque part de leurs biens à ceux d’entre les saints de Jérusalem qui sont pauvres. Ils s’y sont portés d’eux-mêmes, et en effet ils leur sont redevables ». (Rom. 15,26,27) Et il ajoute : « Car si les gentils ont participé aux richesses spirituelles des Juifs, ils doivent aussi leur faire part de leurs biens temporels ». (Id)
Voyez donc comme il s’y prend pour rabaisser l’orgueil des Juifs usant d’une voie détournée pour arriver à son but, et comme il parle avec autorité : « Nous qui sommes Juifs par notre naissance, et non du nombre des gentils qui sont des pécheurs ». Que signifient ces mots : « Juifs de naissance ? » – Nous ne sommes pas des prosélytes, veut-il dire, mais dès l’enfance nous avons été nourris de la loi, et nous avons renoncé à ses principes sucés avec le lait pour nous réfugier dans la foi du Christ. « Sachant que l’homme n’est point justifié par les œuvres de la loi, mais par la foi en Jésus-Christ, nous avons cru nous aussi en Jésus-Christ (16) ». Voyez comme il dit tout et sans rien compromettre. Si nous avons laissé la loi, dit-il, ce n’est pas qu’elle fût mauvaise, mais c’est qu’elle était insuffisante. Si donc la loi ne donne pas les moyens de se justifier, la pratique de la circoncision est superflue. Il s’en tient là d’abord, puis à mesure qu’il avance il montre quelle est non seulement superflue, mais encore dangereuse. Il faut bien observer comment il fait entendre cela dès le début quand il dit : « L’homme n’est point justifié par les œuvres de la loi ». Plus loin encore il parle avec plus de force : « Que si, cherchant à être justifiés par Jésus-Christ, il se trouvait que nous fussions nous-mêmes des pécheurs, Jésus-Christ serait donc ministre du péché (17) ». Si la foi en Jésus-Christ, dit-il, ne peut pas nous justifier, il faut nécessairement en revenir à la loi. Car si, après l’avoir abandonnée pour Jésus-Christ, nous trouvons dans ce fait notre condamnation au lieu de notre justification, il se rencontrera que c’est Jésus qui est l’auteur de notre condamnation, Jésus pour lequel nous nous sommes faits les transfuges de la loi. Voyez-vous avec quelle puissance de logique il nous force de reconnaître l’extrême absurdité de cette supposition ? S’il ne fallait pas abandonner la loi et que nous l’ayons abandonnée à cause de Jésus, comment serons-nous jugés ? – Pourquoi donc, ô Paul, adresses-tu ces paroles et ces remontrances à Pierre, lui qui savait à quoi s’en tenir là-dessus mieux que tous les autres ? Dieu ne lui avait-il pas montré qu’on ne doit tenir aucun compte de la circoncision quand il s’agit d’hommes étrangers à cette pratique ? N’est-ce pas en se tenant à ce point de vue qu’il a résisté victorieusement à l’argumentation des Juifs ? n’a-t-il pas, à ce sujet, promulgué de Jérusalem les prescriptions les plus claires ?
Non, non, ce n’est pas pour redresser Pierre qu’il lui parle ainsi ; c’est bien à lui qu’il s’adresse, il le fallait, mais c’étaient ses disciples qu’il cherchait à réfuter. Son argumentation ne frappe pas seulement les Galates, mais encore ceux qui souffrent du même mal. Et aujourd’hui ceux qui ne se font pas circoncire, mais jeûnent cependant et observent le sabbat en même temps que les Juifs, ceux-là font comme eux, et s’excluent eux-mêmes de la grâce. Car si Jésus ne sert de rien à ceux qui pratiquent seulement la circoncision, voyez quel danger, et comme ce danger s’aggrave avec le temps, si à cette pratique on ajoute l’observance du jeûne et du sabbat, si l’on s’astreint à suivre deux prescriptions au lieu d’une. Ce danger s’aggrave avec le temps en effet, ces hommes agissaient ainsi au commencement, quand leur cité était encore debout, ainsi que leur temple, et tout le reste. Mais aujourd’hui, ceux qui les imitent et qui voient de leurs yeux le châtiment infligé aux Juifs, qui voient la destruction de leur ville, et qui cependant observent la plupart de leurs pratiques, quelle excuse auront-ils, eux qui se conforment aux prescriptions de la loi, quand ceux-là mêmes qui sont Juifs, ne peuvent s’y conformer malgré toute leur bonne volonté ? Tu t’es revêtu du Christ, tu es devenu un des membres du Maître, tu es inscrit parmi les habitants de la cité divine, et tu rampes encore autour de la loi ? Et comment pourras-tu obtenir ta part du royaume céleste ? Écoute Paul disant, qu’observer la loi c’est renverser l’Évangile. Et, si tu le veux, apprends comment cela doit avoir lieu, tremble et fuis l’abîme ouvert sous tes pas. Pourquoi observes-tu le sabbat, et jeûnes-tu en même temps que les Juifs ? Sans doute parce que tu crains la