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avec eux-mêmes. – Comment se tirer de là ? Il pouvait bien répondre qu’on faisait cela par condescendance pour la faiblesse juive, mais cet aveu eût compromis entièrement l’œuvre et le but de l’Évangile. Aussi passe-t-il ce – point sous silence, et le laisse-t-il à l’état de doute et comme en suspens, en s’exprimant ainsi : « Quant à ceux qui paraissaient être les plus considérables (je ne m’arrête point à ce que… »). C’est comme s’il disait : Je n’accuse, ni ne critique ces saints ils savent ce qu’ils font, car ils rendront compte à Dieu de leurs actions ; mais ce que je me propose, c’est de prouver qu’ils ne voulaient pas abolir mes doctrines, ni les corriger, ni y ajouter quelque chose comme si elles eussent été incomplètes, et que tout au contraire ils les approuvèrent tous ensemble. Et de cela j’ai pour témoin Tite et Barnabé. Voilà pourquoi il ajoute : « Ayant reconnu que la charge de prêcher l’Évangile de l’incirconcision m’avait été donnée, comme à Pierre celle de prêcher l’Évangile de la circoncision (7)… » Il ne prend pas ces mots circoncision et incirconcision au pied de la lettre, il s’en sert pour faire la distinction des Juifs et des gentils. Puis il ajoute : « Car celui qui a agi efficacement dans Pierre pour, le rendre apôtre des circoncis, a aussi agi efficacement en moi pour me rendre apôtre des gentils (8) ».
De même que par l’incirconcision il désigne les gentils, de même ce sont les Juifs qu’il désigne par la circoncision. Il montre qu’il est l’égal des apôtres, et c’est au premier d’entre eux et non aux autres qu’il se compare, afin de prouver qu’ils étaient tous égaux en dignité. Après avoir fourni cette preuve de leur unité de vues, il parle désormais avec plus d’assurance et de liberté ; et il ne s’en tient plus seulement aux apôtres, il remonte jusqu’au Christ, et rappelle la grâce qu’il en a reçue : il en prend les apôtres à témoin et dit : « Ceux qui paraissaient comme les colonnes de l’Église, Jacques Céphas et Jean ayant reconnu la grâce que j’avais reçue, nous donnèrent la main à Barnabé et à moi pour marque de la société et de l’union qui était entre eux et nous ». Il ne dit pas : « Ayant entendu parler de la grâce que j’avais reçue », mais : « Ayant reconnu », c’est-à-dire, ayant appris par les faits mêmes, « ils nous donnèrent la main à moi et à Barnabé pour marque de là société et de l’union qui était entre eux et nous ». Avez-vous remarqué comme peu à peu il a prouvé que son enseignement était approuvé du Christ et des apôtres ? Car le Christ ne lui aurait pas accordé sa grâce et ne l’aurait pas laissée agir efficacement en lui, s’il n’avait approuvé sa prédication. Quand Paul est obligé de se comparer à quelqu’autre, il ne parle que de Pierre ; quand il doit invoquer un témoignage, c’est celui des trois apôtres réunis, et il a soin de prononcer leur nom avec éloge : « Jacques Céphas et Jean qui paraissaient comme les colonnes de l’Église ». Et d’un autre côté, s’il dit « Qui paraissaient », ce n’est pas qu’il leur refuse cette qualité, mais il s’appuie sur l’opinion générale et dit : Ces grands personnages qui sont élevés au-dessus des autres, et dont on parle partout, peuvent rendre témoignage pour mon enseignement, et prouver qu’il est approuvé du Christ ; ils le savent par les faits, et l’expérience même n’a fait qu’affermir leur conviction. C’est pourquoi ils m’ont donné la main, et non pas seulement à moi, mais aussi à Barnabé, « Afin que nous prêchassions l’Évangile aux gentils et eux aux circoncis (9)».
O l’admirable prudence ! O preuve irréfutable de la bonne harmonie des apôtres entre eux l Paul montre que leur doctrine est sa doctrine, et que sa doctrine est leur doctrine. Des deux côtés on était d’accord pour que ceux-ci prêchassent les Juifs dans ce sens, et pour que lui prêchât les gentils comme il faisait : aussi ajoute-t-il : « Afin que nous prêchassions l’Évangile aux gentils et eux aux circoncis ». Voyez-vous comme ici, en parlant de la circoncision, il ne fait pas allusion à la chose elle-même, mais bien aux Juifs ? Toutes les fois en effet qu’il parle de la chose elle-même et qu’il l’attaque, il place en regard l’incirconcision, comme lorsqu’il dit : « La circoncision vous est utile, si vous accomplissez la loi ; mais si vous la violez, votre circoncision ne devient qu’une incirconcision » ([[Bible_Crampon_1923/Romains|Rom 2,25) ; et ailleurs : « La circoncision n’a pas plus de valeur que l’incirconcision ». ([[Bible_Crampon_1923/Galates|Gal 5,6) Quand c’est aux Juifs qu’il fait allusion et non à cette pratique elle-même, il ne se sert pas du mot incirconcision comme terme contraire, mais du mot de gentils. Car ce sont les Juifs qu’on oppose aux gentils, et la circoncision à l’incirconcision. Par exemple lorsqu’il dit : « Celui qui agit efficacement