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mérite et qui en convient humblement, n’est pas un homme modeste, mais un homme qui a du bon sens ; mais celui qui après tant de triomphes tient un tel langage, celui-là sait ce que c’est que la modestie. « Et je revins à Damas », dit-il. Cependant à combien de tribulations ne devait-il pas s’attendre en y retournant ? On raconte que celui qui gouvernait cette ville pour le roi Arétas l’avait entourée de sentinelles afin de prendre le bienheureux Paul dans ses filets : preuve évidente de la haine et de l’acharnement que les Juifs mettaient à le poursuivre. Mais dans la conjoncture présente il ne dit pas un mot de cela, et même au lieu de faire mention de son retour à Damas, il l’aurait tu, si les circonstances ne lui avaient paru exiger ce détail. De même, quand il dit dans ce même passage qu’il alla en Arabie et qu’il en revint, il n’ajoute pas encore le récit des résultats que produisit sa mission.
« Ensuite, après un intervalle de trois ans, j’allais à Jérusalem pour visiter Pierre (18) ». Quoi de plus modeste que cet âne ? Après tant et de si beaux triomphes, sans avoir besoin de Pierre, sans avoir besoin de sa parole, et quoiqu’il fût son égal (pour ne rien dire de plus), il va le voir comme étant son supérieur et son ancien. La cause de sa démarche est seulement le désir de faire visite à Pierre. Voyez-vous comme il rend aux apôtres les honneurs qui leur, ont dus, et que, bien loin de se regarder comme supérieur à eux, il ne se considère même pas comme leur égal ? Cette visite même en est une preuve évidente. Aujourd’hui beaucoup parmi nos frères quittent la ville pour aller rendre visite à de saints personnages ; il en était de même de Paul ; il était poussé par un désir semblable quand il se rendait auprès de Pierre, ou plutôt il y était poussé par une humilité bien plus sincère. Ceux qui vont aujourd’hui consulter les saints, le font pour leur utilité, tandis que le bienheureux Paul en agissant ainsi n’avait en vue ni de s’instruire, ni de s’éclairer, mais seulement devoir Pierre et de lui rendre hommage par sa présence. Car « J’allais visiter Pierre », dit-il. Il n’a pas dit : J’allais voir Pierre, mais : J’allais visiter Pierre ; ce qui se dit des villes grandes célèbres que l’on veut connaître : tant c’était pour lui une chose de grande importance que de jouir seulement de la vue de cet apôtre. Et ses démarches même prouvent avec évidence qu’il pensait ainsi. Quand il vint à Jérusalem, après avoir converti beaucoup de gentils, après avoir fait plus qu’aucun des autres, avoir ramené au bien la Pamphylie, la Lycaonie, la nation des Ciliciens, et tous ceux qui habitaient cette partie de la terre, et les avoir conquis à Jésus-Christ, il se présente d’abord devant Jacques avec une singulière humilité, comme devant un homme plus grand et plus respectable que lui. Ensuite il écoute ses conseils avec déférence, quoiqu’ils fussent en contradiction avec sa conduite présente. « Vous voyez, mon frère », lui dit Jacques « combien de milliers de Juifs ont cru. Mais rasez-vous la tête et purifiez-vous ». (Act. 21,20, 24) Et Paul se rasa la tête, et il se soumit à toutes les pratiques des Juifs. Toutes les fois que les intérêts de l’Évangile n’étaient pas en jeu, c’était le plus humble des hommes ; mais quand on abusait de son humilité pour faire mal, il savait renoncer à une modestie intempestive, car ce n’aurait plus été là être humble, mais gâter et corrompre l’esprit de ses disciples. « Et je restai quinze jours auprès de lui ». Faire ce voyage à cause de Pierre était déjà la marque d’une grande déférence, mais rester pendant tant de jours à ses côtés témoignait d’une amitié ; d’une affection bien vives.
« Je ne vis point d’autres apôtres, si ce n’est Jacques le frère du Seigneur (19) ». Voyez comme il réservait pour Pierre la principale part de son amitié, car c’était à cause de lui qu’il avait fait ce voyage, à cause de lui qu’il était resté. Je ne cesse de revenir là-dessus, et je crois devoir y insister afin que vous n’alliez pas le suspecter quand vous entendrez ce qu’il semble avoir dit contre Pierre. C’est par précaution qu’il donne ici ces détails afin que, lorsqu’il dira : « Je résistai en face à Pierre », on ne croie pas qu’il agissait ainsi par haine ou par esprit de contradiction, lui qui avait pour cet apôtre une estime et une affection singulières, car il le déclare lui-même, il n’alla voir que lui parmi tous les apôtres. « Je ne vis point d’autres apôtres, si ce n’est Jacques ». – « Je le vis », dit-il, je n’appris rien de lui. Mais voyez avec quel respect il le nomme ! Il ne dit point simplement Jacques il ajoute encore l’auguste qualification de frère du Seigneur : tellement il était étranger à tout sentiment de jalousie… S’il l’avait voulu, il aurait pu le désigner d’une