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dorées, des chevaux enharnachés d’or. Combien le spectacle qui est sous nos yeux n’est-il pas plus attrayant ! J’aimerais mieux avoir vu une fois Paul sortir du cachot, avec les prisonniers, que de voir mille fois ces grands personnages au milieu de leur cortège. Combien d’anges devaient le précéder dans cette glorieuse sortie ? La preuve que je ne vous en impose pas, je l’emprunterai à une antique histoire. Élisée, le prophète (sans doute il ne vous est pas inconnu), à l’époque où le roi de Syrie était en guerre avec le roi d’Israël, révélait, sans sortir de chez lui, tout ce que le premier de ces princes méditait de concert avec ses confidents, et déjouait ainsi ses desseins, en divulguant ses secrets, et en empêchant les Juifs de tomber dans ses filets. Cela tourmentait le roi ; il était chagrin, et dans un grand embarras, ne pouvant deviner celui qui le trahissait et paralysait tous ses efforts. Comme il ne savait que penser, et cherchait l’origine de ces indiscrétions, un de ses gardes lui dit qu’il y avait, à Samarie, un prophète du nom d’Élisée, lequel, sans laisser au roi le temps de mûrir un projet, se hâtait de tout divulguer. L’autre pensa tenir son affaire mais voyez quelle était sa scélératesse ! Au lieu d’honorer cet homme, d’admirer ce pouvoir étrange qui le rendait capable de pénétrer de si loin, par la seule force de son esprit, tout ce qui se passait dans le conseil du roi ; saisi de colère, et tout entier à sa fureur, il forme un corps de cavaliers et de fantassins, qu’il charge de lui amener le prophète. Élisée avait un disciple qui n’était point encore admis à prophétiser, parce qu’il ne paraissait point digne encore de prêter sa bouche à de telles révélations. Les soldats du roi parurent tout à coup devant lui, dans l’intention de le charger de liens, lui, ou plutôt le prophète. Voilà que nous retombons sur le sujet des chaînes. Que faire ? C’est comme le tissu même de tout ce discours. Le disciple, en apercevant tant de soldats, accourt tout ému, tout tremblant, auprès de son maître, lui annonce le péril inévitable qu’il court, et ce qu’il regarde, lui, comme un grand malheur. Le prophète se mit à rire, en le voyant s’effrayer de si peu, et l’exhorta à la confiance. Mais l’autre, encore novice, ne se laissa pas convaincre ; toujours troublé de ce qu’il avait vu, il persistait à donner l’alarme. Que dit alors le prophète ? « Seigneur, dit-il, ouvrez les yeux de ce petit enfant, et qu’il voie » (2R. 6,17) que nous avons plus d’alliés que ces hommes. Et aussitôt le disciple voit toute la montagne où le prophète habitait alors se couvrir de chars et de chevaux de feu. Ce n’était autre chose qu’une armée d’anges.
2. Que si Élisée, pour cela seul, fut secondé par une si nombreuse escorte d’anges, que dut-ce être pour Paul ? De là encore ce mot du prophète David : « L’ange du Seigneur environnera ceux qui le craignent » ; et encore : « Ils te soulèveront dans leurs mains, de peur que ton pied ne vienne à heurter contre les pierres ». (Psa. 33,8, et 90, 12) Que dis-je, les anges ? Le Seigneur lui-même lui faisait cortège à sa sortie. Car s’il se montrait à Abraham, comment n’aurait-il pas été avec Paul ? Écoutez plutôt sa promesse : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation du siècle ». (Mat. 28,20) Puis, après lui avoir apparu, il lui dit : « Ne crains pas, mais parle, parce que je suis avec toi, et que personne ne t’attaquera pour te maltraiter ». ([[Bible_Crampon_1923/Actes#Bible_Crampon_1923/ActesCH18|Act. 18,9]18]) En songe, encore, il lui apparaît, et lui dit : « Aie confiance ; car de même que tu as témoigné sur moi, à Jérusalem, il faut aussi que tu témoignes pareillement à Rome ». (Act. 23,11) Toujours les saints sont dignes d’admiration et riches de grâces, mais jamais autant que lorsqu’ils sont en péril pour le Christ, lorsqu’ils sont prisonniers. De même qu’un brave soldat est toujours un spectacle agréable pour ceux qui le considèrent, mais principalement quand il est à son poste et combat à côté de son roi : de même, représentez-vous quelle était la grandeur de Paul, enseignant tout chargé de fers. Dirai-je la pensée qui me vient chemin faisant ? Le bienheureux martyr Babylas fut chargé de liens, et cela pour le même motif que Jean pour avoir repris un roi pécheur. En mourant, il recommanda qu’on l’ensevelît avec ses liens et que son cadavre demeurât enchaîné dans le tombeau : encore aujourd’hui, ses entraves reposent avec sa cendre. Tel était son amour pour les chaînes du Christ. « Son âme traversa le fer », dit le prophète, en parlant de Joseph. (Psa. 104,18) Que dis-je ? des femmes mêmes ont porté ces chaînes ; mais nous, l’on ne nous enchaîne pas. Je ne vous y pousse donc point, puisque le temps ne le comporte pas : mais si vous ne liez point vos mains, liez votre cœur. Il y a des chaînes