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captifs, que de laisser périr leur gardien. Aussi raisonna-t-il ainsi en lui-même : Si c’étaient des sorciers, ils n’auraient pas manqué de s’évader et de délivrer les autres : car sans doute il avait vu entrer dans le cachot bien des hommes de cette espèce. D’ailleurs il avait bien des fois eu des sorciers sous sa garde, jamais rien de pareil n’était arrivé. Il reste donc étonné. Un sorcier n’aurait pas ébranlé les fondations pour réveiller le geôlier, et rendre sa fuite à lui plus difficile. Mais considérons maintenant la foi de cet homme : « Ayant demandé de la lumière, il entra : et, tout tremblant, il tomba aux pieds de Paul et de Silas ; et, les faisant sortir, il demanda : Seigneurs, que faut-il que je fasse pour être sauvé ? » Il tenait du feu, une épée : et il dit : « Seigneur, que faut-il que je fasse pour être sauvé ? » Ils lui répondirent. « Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta maison ». (Act. chap. 16) Ce ne sont pas des enchanteurs, pensa-t-il, qui pourraient m’enseigner cette doctrine : il n’est pas question ici du démon. Voyez-vous combien il méritait d’être sauvé ? — Témoin du prodige, délivré de sa frayeur, il n’oublie pas les choses importantes : dans un tel péril il se préoccupe du salut de son âme, il aborde les docteurs comme il convenait de le faire ; il tombe à leurs pieds : « Et ils lui annoncèrent la parole du Seigneur, à lui et à tous ceux qui étaient dans sa maison. Et lui, les prenant à cette même heure de la nuit, il lava leurs plaies, et il fut baptisé, lui et toute sa maison aussitôt après ». Voyez-vous la ferveur de cet homme ? Il ne diffère point, il ne dit pas : Attendons le jour, nous verrons, nous examinerons : pleins de ferveur, lui, toute sa maison courent au baptême.

Ce n’est pas comme de nos jours, où tant de personnes souffrent que leurs serviteurs, leurs femmes, leurs enfants, restent étrangers à nos mystères. Devenez, je vous en conjure, pareils à ce geôlier, je ne dis point par le rang, mais par la volonté. Et quelle est l’utilité du rang, quand, la volonté est impuissante ? Chose admirable ! Ce cruel, ce barbare, ce pervers, occupé sans cesse à faire le mal, devient tout à coup la bonté, la charité même. « Il lava leurs blessures ». Considérez de nouveau la ferveur de Paul ; c’est dans les chaînes, c’est tout meurtri de coups, qu’il évangélisait. O bienheureuse chaîne ! quel enfantement fut le sien dans cette nuit ! quelle progéniture elle mit au monde ! Voilà ceux dont on peut dire : « Ceux que j’ai engendrés, dans mes fers ». Voyez-vous comment il se vante de son sort, afin qu’il en rejaillisse un peu d’éclat jusque sur ses enfants ? Voyez-vous quelle est cette gloire des chaînes, qui illustre non seulement celui qui les porte, mais encore ceux qu’il engendre durant sa captivité ? Ceux que Paul a engendrés étant captifs ont un avantage sur les autres, je ne dis pas selon la grâce, qui est la même pour tous, ni selon la rémission qui est commune à tous, mais à cause de cet enseignement qui leur est donné tout d’abord afin qu’ils trouvent un sujet de joie et d’allégresse dans les contre-temps de ce genre. « Les prenant à cette même heure de la nuit, il lava leurs plaies, et il fut baptisé ». Voyez-en maintenant le fruit : sur-le-champ il reconnaît ce bienfait par des présents charnels : « Les ayant conduits chez lui, il leur servit aussitôt à manger ; et il se réjouit avec toute sa maison de ce qu’il avait cru en Dieu ». Que ne devait-il pas faire en effet, quand le ciel venait de lui être ouvert, en même temps que s’était ouvert le cachot. Il lave son maître, lui sert à manger, et se livre à l’allégresse. En pénétrant dans le cachot, la chaîne de Paul en avait fait une église, avait transformé tout le monde en un corps, celui du Christ, servi le banquet spirituel, et enfanté les fruits qui font la joie des anges. Avais-je tort de dire que cette maison était plus glorieuse que le ciel ? En effet, si le ciel se réjouit, ce fut grâce à cet événement terrestre. Que si c’est fête au ciel pour un seul pécheur repentant, si deux personnes réunies au nom du Christ ont le Christ même au milieu d’elles, à combien plus forte raison devait-il être ainsi de cette réunion où figuraient Silas, Paul, le geôlier et toute sa maison, avec une foi pareille. Voyez l’ardeur de cette foi. Mais cette prison m’en rappelle une autre. Laquelle donc ? Celle de Pierre. Mais là rien de pareil.

Pierre avait été mis sous la garde de quatre bandes de quatre soldats : il ne chantait, ni ne veillait ; il était endormi. Il n’avait pas été non plus flagellé : mais le péril était plus grand. Tout était accompli pour Paul et Silas ; ils avaient été punis : Pierre n’avait pas encore subi sa peine. De sorte que s’il ne ressentait pas la douleur des coups, il était en proie aux tourments de l’attente. Mais voici un nouveau