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dit : « Et les gentils, à glorifier Dieu pour sa miséricorde ». (Rom. 15,19) Dieu avait promis aux Israélites, mais ils se montrèrent indignes : à nous, il n’avait rien promis, nous étions même étrangers ; nous n’avions rien de commun avec eux, et il nous a réunis, non pas en nous rapprochant des Juifs, mais en formant d’eux et de nous un seul corps. Je recourrai à un exemple : Supposons deux statues, l’une d’argent, l’autre de plomb ; on les fond toutes deux ; et deux statues d’or sortent du moule. C’est ainsi que Dieu a fait de deux choses une seule. Autre exemple : Soit un esclave et un fils adoptif, l’un et l’autre coupables d’offenses ; l’un proclamé enfant par le héraut, l’autre fugitif et ne connaissant pas même son père. Qu’après cela tous deux deviennent héritiers et enfants légitimes. Les voilà portés à la même dignité : ils sont devenus une même chose, l’un venant de plus loin, l’autre de plus près, et promu seulement à la qualité de légitime qui lui manquait avant l’offense.

« Détruisant le mur de séparation ». Ce que c’est que ce mur de séparation, il l’explique en disant : « Leurs inimitiés dans sa chair ». — « Abolissant par sa doctrine la loi des préceptes (15) ». Selon quelques-uns, le mur de séparation, c’est la loi : alors Paul aurait appelé la loi ainsi parce qu’elle ne permettait pas aux Juifs d’avoir des rapports avec les païens… Quant à moi, je ne le pense pas : je pense qu’il appelle ainsi la haine qui est comme une cloison mitoyenne qui nous sépare de Dieu, ainsi que le prophète dit : « Est-ce que vos péchés ne s’élèvent pas entre vous et moi ? » Et c’est à bon droit ; car c’était bien une sorte de mur, en effet, que la haine qui séparait Dieu des Juifs et des païens. Tant que la loi subsista, cette haine, loin de diminuer, ne faisait que s’accroître. « La loi », est-il écrit, « produit la colère ». (Rom. 4,15) Comme dans cet endroit, en disant : La loi produit la colère, il n’entend pas la loi absolument, mais la loi, quand nous la transgressons : de même ici il l’appelle mur de séparation, à cause de la haine produite par les infractions. La loi était une cloison ; mais une cloison de sûreté, comme un rempart. Écoutez encore ces paroles du prophète : « J’ai mis un rempart autour de lui ». (Isa. 5,2) Et ailleurs : « Tu as détruit son rempart, et tous ceux qui passent sur la route la vendangent ». (Psa. 79,13)

C’est donc bien une cloison de sûreté. Ailleurs « Je renverserai son rempart, et il sera foulé aux pieds ». Et encore : « Il a donné la loi pour protection ». (Isa. 5,5, et 8, 20) Et enfin : « Faisant miséricorde et justice, le Seigneur a fait connaître ses jugements à Israël ». (Psa. 102,6, 7) Mais ce mur de séparation, au lieu de rester une défense ; devint un obstacle qui les séparait de Dieu. Tel fut ce mur de séparation qui avait commencé par être un rempart. Comment fut détruit ce mur, Paul l’indique lorsqu’il ajoute : « La haine dans sa chair ». — « Abolissant la loi des préceptes ». Comment ? En y mettant son cachet, et en détruisant ainsi la haine. Mais ce n’est pas seulement par là qu’il fit cesser la haine, c’est encore par l’observation de la loi. — Eh quoi ! acquittés de notre précédente infraction, nous voilà donc obligés de nouveau à l’observation ? — C’eût été remettre les choses dans leur état ; mais la loi même, il l’abolit : « Abolissant par sa doctrine la loi des préceptes ». O charité ! il nous a donné une loi, afin que nous l’observions ; puis, comme nous ne l’avons pas observée, au lieu de nous punir, il a été jusqu’à abroger la loi : c’est comme si quelqu’un, après avoir confié un enfant à un gouverneur, le voyant refuser d’obéir, le délivrait de son gouverneur et l’emmenait. Quelle bonté dans ce bienfait ! Et que signifie : « Abolissant par sa doctrine ? » Il montre ici la grande différence qui sépare le précepte des doctrines. Ou c’est de la foi qu’il parle, en employant ce mot doctrine : car c’est par la foi seule que la doctrine peut nous sauver ; ou c’est du précepte évangélique ; par exemple, le Christ a dit : « Je vous le dis, ne vous irritez nullement ». Tout cela revient à dire : Si vous croyez que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, vous serez sauvés. Et encore : « Près de toi est la parole, dans ta bouche et dans ton cœur ». (Rom. 10,8)

3. Ne dites pas : Qui montera dans le ciel, ou qui descendra dans l’abîme, ou qui l’a tiré du milieu des morts ? Pour vie il a introduit la foi. Car afin de ne pas nous sauver au hasard, d’une part, il s’est soumis de lui-même au supplice, et de l’autre, il a exigé la foi par la doctrine. « Pour former des deux en lui-même un seul homme nouveau ». Voyez-vous comment le païen n’est pas devenu Juif, mais comment l’un et l’autre ont passé à un