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maître de la terre ? Réfléchissez, voyez de combien de reines les noms sont passés sous silence ; mais partout on célèbre l’épouse de l’artisan ; tous les lieux que le soleil éclaire entendent l’éloge de cette femme : les Perses, les Scythes, les Thraces, les peuples qui habitent aux extrémités du monde, célèbrent la vertu de cette femme, et là proclament bienheureuse. Quelles richesses, combien de diadèmes et de manteaux de pourpre ne jetteriez-vous pas volontiers sous vos pieds pour attacher à votre nom un pareil témoignage ? Et impossible de dire qu’ils ont tenu cette conduite alors, au milieu des dangers, qu’ils ont été généreux parce qu’ils étaient riches, mais qu’ils étaient indifférents à la prédication ; c’est précisément à cause de leur zèle pour l’Évangile que l’apôtre dit : Ils ont coopéré, ils ont travaillé avec moi. Et Paul ne craint pas de dire qu’une femme a travaillé à son œuvre ; Paul, ce vase d’élection va jusqu’à se glorifier de son assistance ; il ne regarde pas le sexe, c’est la volonté généreuse qu’il couronne. Quelle parure égalerait cette parure ? Parlez-moi maintenant de vos richesses fragiles, fugitives, de votre beauté, de vos ornements, de votre gloire frivole ! Apprenez donc que la beauté d’une femme, ce n’est pas son corps qui la lui donne, c’est l’âme qui s’embellit d’une beauté impérissable, qu’on ne dépose pas dans un coffre, qui s’épanouit pour toujours dans le ciel.
4. Voyez les labeurs qu’ils acceptent pour la prédication, la couronne qu’ils conquièrent parle martyre, leur générosité quant à l’argent, leur charité à l’égard de Paul, leur amour pour le Christ ; comparez, femme chrétienne, cette conduite à la vôtre, à votre – passion pour l’argent, à votre émulation pour les femmes perdues, à cette idolâtrie d’une chair qui n’est qu’un peu d’herbe ; vous verrez mieux alors quels étaient ces personnages, et qui vous êtes. Ou plutôt, ne vous contentez pas de comparaisons, imitez cette femme, jetez bas cette charge d’herbes sans valeur (c’est ainsi qu’il faut appeler votre magnificence dans vos ajustements), revêtez-vous des parures du ciel, et apprenez ce qui a fait Priscilla ce qu’elle était, ainsi que son mari. Donc, qui les a faits ce qu’ils ont été ? L’hospitalité de deux ans qu’ils ont donnée à Paul ; cette durée de deux ans, quel travail n’a-t-elle pas opéré dans leur âme ? Mais, dira-t-on, que puis-je faire moi qui n’ai pas ce même Paul ? Il ne tient qu’à vous de le posséder mieux encore ; ce n’est pas la vue de Paul qui les a ainsi façonnés, ce sont ses discours. Il ne tient qu’à vous d’entendre et Paul, et Pierre, et Jean et tout le chœur des prophètes, sans qu’aucun y manque, avec les apôtres, de vous en faire une société qui ne vous quitte jamais. Prenez les livres de ces bienheureux, conversez toujours avec leurs écrits, ils pourront vous édifier à la ressemblance de cette femme du faiseur de tentes. Mais à quoi bon vous parler de Paul ? Si vous voulez, vous posséderez le Maître lui-même, le Maître de Paul ; par la langue de Paul, c’est lui-même qui conversera avec vous. Et vous avez encore un autre moyen de le recevoir, c’est de recevoir les saints, c’est de mettre vos soins au service de ceux qui croient en lui ; c’est ainsi que, même après leur départ, vous posséderez des souvenirs de piété. Car il suffit d’une table où le saint a mangé, d’une chaise où il s’est assis, d’un lit où il a couché, pour toucher le cœur de celui qui l’a reçu, même après le départ de l’homme saint.
Vous faites-vous bien l’idée de ce qui touchait le cœur de l’antique Sunamite, entrant dans cette chambre d’en haut, où logeait Élisée, à la vue de la table, à la vue du lit où dormait cet illustre saint ? Quels sentiments de piété ne retirait-elle pas d’un pareil spectacle ? Non, elle n’y aurait pas jeté le corps de son fils sans vie, s’il en eût été autrement, si elle n’en eût recueilli une grande utilité. Si nous-mêmes, lorsque nous pénétrons, après un si long espace de temps, dans les lieux ou Paul séjournait, où il était chargé de fers, où il s’asseyait et discourait, nous nous sentons transportés, comme sur des ailes, perdant de vue ces lieux mêmes vers la mémoire de ces jours si glorieux, représentez-vous les faits encore récents, quelle émotion ne devaient pas éprouver les pieux fidèles qui lui donnaient l’hospitalité ? Donc, sous l’empire de ces pensées, recevons les saints, afin que notre demeure devienne resplendissante, que toutes les épines en disparaissent, que notre maison soit un port de salut ; recevons-les, et lavons leurs pieds. Tu n’es pas, qui que tu sois, ô femme, tu n’es pas supérieure à Sara, ni de plus haute naissance, ni plus riche, quand tu serais une reine. Elle avait trois cent dix-huit serviteurs, Sara, dans un temps où deux domestiques faisaient dire d’un homme : il est