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« Quoi donc ! Ont-ils trébuché de telle sorte « qu’ils soient tombés ? Point du tout ». C’est ce qu’il dit encore ici : Toute la race des gentils n’a pas été attirée, mais beaucoup ont déjà cru et croiront encore. Puis comme il annonce une chose importante, il la prouve par le témoignage du prophète. Quand à ce qui regarde l’aveuglement, il ne produit pas de témoignage, puisque c’est un fait évident pour tous : mais pour prouver qu’ils croiront et qu’ils seront sauvés, il cite une seconde fois Isaïe qui s’écrie : « Il viendra de Sion, celui qui doit délivrer et qui doit bannir l’impiété de Jacob (26) ». Ensuite, après avoir indiqué le signe de la délivrance, pour que personne ne revienne au passé et ne s’y rattache, il ajoute : « Et ce sera là mon alliance avec eux quand j’aurai effacé leurs péchés « (27) » ; non pas quand ils seront circoncis, ni quand ils auront sacrifié, ni quand ils auront rempli les autres prescriptions légales, mais quand ils auront reçu la rémission de leurs péchés. Si donc cette promesse a été faite, si elle n’est bras encore accomplie sur eux, s’ils n’ont pas encore obtenu la rémission par le baptême, certainement cela aura lieu. Aussi ajoute-t-il : « Parce que les dons et la vocation de Dieu sont sans repentir (29) ». Ce n’est pas seulement par ce motif qu’il les console, mais aussi par le souvenir du passé ; et il pose comme principe ce qui n’était que conséquence, en disant : « Il est vrai que, selon l’Évangile, ils sont ennemis à cause de vous ; mais, selon l’élection, ils sont très-aimés à cause de leurs pères (28) ». De peur que le gentil ne s’enfle et ne dise : Je suis debout, ne me parlez pas de ce qui a pu être, mais de ce qui est : Il le comprime encore par ce motif, en disant : « Selon l’Évangile ils sont ennemis à cause de vous ». En effet, par ce que vous avez été appelés, ils sont devenus plus obstinés.
7. Pourtant Dieu n’a pas renoncé à vous appeler, mais il attend que tous les gentils qui doivent croire, soient entrés, et alors les Juifs viendront aussi. Ensuite il leur fait encore une autre concession, en disant : « Mais, « selon l’élection, ils sont très-aimés à cause « de leurs pères ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Ennemis, ils rencontrent le supplice ; bien-aimés à cause de leurs pères, la vertu de leurs ancêtres leur est inutile, à moins qu’ils ne croient. Cependant, comme je l’ai dit, il ne cesse de les consoler en paroles, afin de les attirer. C’est pourquoi, appuyant d’une autre preuve qu’il a affirmé plus haut, il dit : « Comme donc autrefois vous-mêmes n’avez pas cru à Dieu, et que maintenant vous avez obtenu miséricorde, à cause de leur incrédulité ; ainsi eux maintenant n’ont pas cru, pour que miséricorde vous fût faite. Car Dieu a renfermé tous les hommes[1] dans l’incrédulité, pour faire miséricorde à tous (30-32) ».
Ici il fait voir que les gentils ont été appelés les premiers. Mais que, sur leur refus, les Juifs ont été élus ; et que, dans le sens inverse, les Juifs n’ayant pas voulu croire, les nations ont été de nouveau introduites. Mais il ne s’en tient pas là et ne se borne pas uniquement à proclamer leur expulsion ; il leur laisse aussi espérer un retour de miséricorde. Voyez combien il accorde aux gentils ! Autant qu’il accordait en premier lieu aux Juifs. Quand vous, gentils, leur dit-il, vous avez été indociles, les Juifs sont venus ; puis, quand ils ont été indociles à leur tour, vous êtes revenus à leur place. Cependant ils ne sont pas perdus à jamais. « Car Dieu a renfermé tous les hommes dans l’incrédulité », c’est-à-dire, a convaincu, les a fait paraître incrédules, non pour qu’ils demeurent tels, mais pour sauver les uns par émulation à l’égard des autres, ceux-ci par ceux-là et ceux-là par ceux-ci. Examinez un peu : Vous, gentils, vous avez cessé de croire et les Juifs ont été sauvés ; puis les Juifs ont cessé de croire, et vous avez été sauvés à votre tour ; vous n’avez cependant pas été sauvés de manière à sortir encore une fois, comme les Juifs, mais pour persévérer et les attirer par l’émulation.
« O profondeur des trésors de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont incompréhensibles (33) ! » Ici, après avoir fait un retour sur les premiers temps, contemplant l’action de la Providence divine depuis la création du monde jusqu’au moment présent, et considérant la variété de ses voies, il est frappé de stupeur et pousse une exclamation, pour attester à l’auditeur que tout ce qu’il a dit s’accomplira certainement. S’il en eût dû être autrement, il n’aurait pas été saisi d’étonnement, il n’eût pas poussé cette exclamation. Que la profondeur existe,

  1. Dans la Vulgate : tout, omnia.