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du désert, voyez comme il méprise la foule ; comme l’aspect des flatteurs ne l’émeut pas ; comme, en voyant tous les habitants de la Palestine l’entourer saisis d’admiration et d’étonnement, il ne s’enorgueillissait point de tant d’honneurs, comme, au contraire, il s’élevait contre eux, et traitant ce peuple comme un enfant, il les réprimandait en disant : « Serpents, race de vipère ». (Mt. 3,7) Cependant c’était à cause de lui qu’ils accouraient, c’était pour voir cette tête sacrée qu’ils abandonnaient les villes ; mais rien de tout cela ne l’amollissait : tant il était ennemi de la gloire et exempt d’orgueil.
Ainsi encore Étienne voyant ce même peuple, non plus l’entourant de respect, mais saisi de fureur et grinçant les dents, s’élevait au-dessus de cette tempête et disait : « Hommes à tête dure et aux cœurs incirconcis ». (Act. 7) Ainsi Élie, en présence de deux armées, du roi et de tout le peuple, disait : « Jusqu’à quand boiterez-vous des deux côtés ? » (1R. 18,21) Mais nous, nous flattons tout le monde, nous nous mettons au service de tout le monde, afin d’acheter l’honneur au prix de notre servilité. Voilà pourquoi tout est sens dessus dessous, nous perdons la grâce, le christianisme est trahi, et on néglige tout pour acquérir l’estime de la foule. Chassons donc ce vice, et nous saurons alors ce que c’est que la liberté, le port, le calme. Car l’ami de la vaine gloire ressemble aux gens battus de la tempête ; toujours il tremble, toujours il craint, ayant mille maîtres à servir ; tandis que celui qui est exempt de cette tyrannie, ressemble à ceux qui sont au port et jouissent d’une sécurité parfaite. Tout autre est la situation de celui-là ; plus il est connu, plus il a de maîtres, obligé qu’il est de les servir tous. Comment donc nous débarrasserons-nous de ce terrible esclavage ? En aimant l’autre gloire, la véritable gloire. Car comme ceux qui aiment les corps sont détachés d’une figure moins belle par une figure plus belle ; ainsi, par son éclat, la gloire céleste pourra détacher les amants de la gloire terrestre. Contemplons-la donc, apprenons à la bien connaître, afin que, saisis d’admiration pour sa beauté, nous ayons horreur de la difformité de l’autre, et que nous goûtions en elle une grande et perpétuelle volupté. Puissions-nous tous l’obtenir par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en qui la gloire, l’empire, l’honneur appartiennent au Père et en même temps au Saint-Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.