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a été préféré, parce qu’il était bon et que l’autre était méchant ; autrement on lui aurait aussitôt objecté : Quoi ! les gentils étaient-ils bons et les circoncis ne l’étaient-ils point ? C’était la vérité ; cependant il ne le dit point encore, de peur de trop déplaire ; mais il rejette tout sur la prescience de Dieu, que l’homme le plus insensé n’oserait contester. « Car », dit-il, « avant qu’ils fussent nés ou qu’ils eussent fait ni aucun bien ni aucun mal, il lui, fut dit : L’aîné servira sous le plus jeune ». C’était là l’effet de la prescience, de choisir dès la naissance ; afin, dit l’apôtre, qu’on vît clairement que l’élection a été faite par décret et par prescience ; dès le premier jour, Dieu a su et déclaré que l’un serait bon et que l’autre ne le serait pas. Ne me dites donc point, continue-t-il, que vous avez lu la loi et les prophètes, et que, depuis tant de temps, vous êtes les serviteurs de Dieu. Celui qui sait éprouver l’âme, sait quel est celui qui mérite d’être sauvé. Laissez donc l’élection à l’Incompréhensible ; car lui seul sait récompenser avec justice. Combien, à en juger par les œuvres apparentes, eussent semblé préférables à Matthieu ? Mais celui qui connaît les secrets, qui sait apprécier les dispositions de l’âme, découvrit la perle enfouie dans – la boue ; et, laissant là les autres, et admirant la beauté de celui-ci, il le choisit et aidant du secours de sa grâce sa généreuse volonté, il fit voir en, lui un juste éprouvé. En effet si, dans les arts futiles ou en toute autre matière, ceux qui sont capables de juger, ne règlent pas leurs choix sur l’opinion des ignorants, mais d’après leurs propres connaissances, souvent méprisent ce que ceux-là estiment et estiment ce que ceux-là méprisent ; comme les dompteurs de chevaux, par exemple, en agissent ainsi avec les chevaux ; et aussi les experts en fait de pierres précieuses ou tout autre ouvrier dans ce qui concerne son métier à plus forte raison Dieu, qui est bon, qui est la sagesse infinie, qui seul sait tout parfaitement, ne cédera point à l’opinion des hommes, mais décidera en tout d’après sa propre sagesse, toujours exacte, toujours infaillible. Voilà pourquoi il a choisi un publicain, un larron, une prostituée, et dédaigné et rejeté des prêtres, des anciens et des magistrats.
7. On en peut voir autant à l’égard des martyrs. Un grand nombre de ceux qui étaient descendus au dernier degré de l’abjection, ont été couronnés à l’heure des combats ; et d’autres, au contraire, que l’on tenait en grande estime, ont été supplantés et sont tombés. N’en demandez donc point compte au Créateur et ne dites pas : Pourquoi l’un est-il couronné et l’autre puni ? Dieu sait tout faire avec justice ; c’est pourquoi il disait : « J’ai aimé Jacob et j’ai haï Esaü ». Le résultat vous a fait voir qu’il agissait en toute justice ; mais lui voyait tout clairement avant le résultat. Dieu ne cherche pas seulement la démonstration par les œuvres, mais aussi la générosité de la volonté et le sentiment de la reconnaissance. Celui qui les a, peut tomber par l’effet des circonstances, mais il se relèvera bientôt ; et quand il persévérerait dans le mal, Dieu qui sait tout, ne le dédaignera pas et le ramènera promptement à lui ; tandis que celui qui est gâté en lui-même, semblât-il faire quelque chose de bien, périra, parce qu’il le fait avec une intention mauvaise. Ainsi David coupable de meurtre et d’adultère, s’est bientôt lavé de ces crimes, parce qu’il les avait commis par l’entraînement des circonstances et sans préméditation ; tandis que le Pharisien, qui n’est ni adultère ni meurtrier, mais qui se glorifie du bien qu’il a fait, en perd tout le fruit par sa mauvaise volonté.
Que dirons-nous donc ? Y a-t-il en Dieu de a l’injustice ? Nullement (14) ». Par conséquent il n’y en a ni à notre égard, ni à l’égard des Juifs. Puis l’apôtre ajoute quelque chose de plus obscur : « Car Dieu dit à Moïse : J’aurai pitié de qui j’ai pitié et je ferai miséricorde à qui je fais miséricorde ». Puis il fortifie l’objection en la coupant par le milieu et en la résolvant, puis en soulevant une autre difficulté. Or, pour éclaircit sa pensée, il faut nécessairement l’expliquer. Dieu, dit-il, l’a déclaré avant l’enfantement : « L’aîné servira sous le plus jeune ». Quoi donc ? Dieu est-il injuste ? nullement. Écoutez la suite : dans l’exemple précédent la vertu et le vice faisaient la différence : mais dans celui-ci le péché est commun à tous les Juifs, à savoir la fabrication du veau d’or, et pourtant les uns ont été punis et les autres ne l’ont pas été ; voilà pourquoi Dieu dit : « J’aurai pitié de qui j’ai pitié et je ferai miséricorde à qui je fais miséricorde ». (Ex. 33,18) Ce n’est point à vous, ô Moïse, de savoir ceux qui sont dignes de pitié ; laissez-moi ce soin. Or, si cette connaissance n’appartenait point à Moïse, beaucoup