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ses élus, mais il leur en prépare une autre multiple et variée. Car comme, en qualité d’hommes, ils ne sauraient souffrir mille morts, il leur montre que la récompense n’en sera pas moindre pour autant : Bien que ce soit une loi de notre nature que nous ne mourions qu’une fois, Dieu cependant nous donne la faculté de mourir tous les jours, si nous le voulons. D’où il suit clairement que nous aurons, à l’heure du départ, autant de couronnes que nous aurons vécu de jours, et même beaucoup plus : car on peut mourir une fois, deux fois, bien des fois par jour. Et celui qui est prêt à cela, reçoit toujours la récompense entière.
C’est à quoi font allusion ces mots du prophète : « Tout le jour ». Aussi l’apôtre invoque-t-il son témoignage, pour mieux exciter leur ardeur. Si en effet, leur dit-il, ceux qui vivaient sous l’Ancien Testament, qui n’avaient pour prix de leurs travaux que la terre et ce qui passe avec la vie, ont pu ainsi dédaigner la vie présente, les épreuves, les périls comment serions-nous excusables de tomber dans le relâchement, de ne pas même atteindre à leur mesure, quand on nous a promis le royaume du ciel et des biens ineffables ? L’apôtre n’exprime pas cette pensée, mais, l’abandonnant à la conscience de ses auditeurs, il se contente du témoignage du prophète, il leur montre que leurs corps sont une victime, et qu’ils ne doivent point s’en troubler, ni s’en effrayer, puisque Dieu l’a ainsi réglé. Il les anime encore d’une autre manière. Pour qu’on ne dise pas qu’il fait là simplement de la spéculation avant l’expérience des faits, il ajoute : « On nous regarde comme des brebis de tuerie », indiquant par là que les apôtres mouraient tous les jours. Voyez-vous sa force et sa modestie ? Comme, dit-il, les brebis qu’on égorge n’opposent aucune résistance, ainsi en est-il de nous. Mais comme la faiblesse de l’esprit humain redoutait encore, même après tant et de si grandes choses, la multitude des épreuves, voyez comme il relève l’auditeur, comme il le rend haut et fier, en disant : « Mais en tout cela nous triomphons par celui qui nous a aimés (37) ».
Ce qu’il y a d’étonnant, ce n’est pas seulement que nous triomphions, mais que nous triomphions par les pièges même qu’on nous tend. Et non seulement nous triomphons, mais nous faisons plus que triompher, c’est-à-dire que nous remportons la victoire avec une extrême facilité, sans fatigues et sans peines. Et ce n’est pas en souffrant réellement, mais par la simple disposition à souffrir, que nous dressons des trophées contre nos ennemis. Et cela est juste : car c’est Dieu qui combat avec nous. Ne faites donc aucune difficulté de croire que, flagellés, nous sommes vainqueurs de ceux qui nous flagellent ; que, proscrits, nous dominons ceux qui nous proscrivent ; que, mourants, nous supplantons ceux qui vivent. Une fois supposé la puissance de Dieu et son amour pour nous, rien ne s’oppose à ce que ces choses étonnantes, incroyables, aient lieu, et que, le triomphe soit éclatant. Et ils ne remportaient pas une simple victoire, mais une victoire miraculeuse, en sorte que leurs ennemis comprissent qu’ils faisaient la guerre non plus à des hommes, mais à la puissance invincible. Voyez-vous les Juifs les tenir au milieu d’eux, puis hésiter et dire : « Que ferons-nous à ces hommes ? » (Act. 4,16) Et voilà la merveille : c’est que, les retenant, les regardant comme coupables, les jetant dans les fers, les frappant, ils étaient dans l’embarras et dans l’incertitude, et se trouvaient vaincus par ceux mêmes par qui ils espéraient vaincre. Ni le tyran, ni les bourreaux, ni les légions infernales, ni le démon lui-même ne purent triompher d’eux ; la défaite fut complète ; on vit tourner à leur profit les moyens mêmes qu’on employait contre eux. Aussi l’apôtre dit-il : « Nous sommes plus que vainqueurs ». C’était la nouvelle loi de la guerre, de vaincre par les contraires, de n’être jamais défait et d’aller au combat comme si on était assuré du succès. « Car je suis certain que ni mort, ni vie, ni anges, ni principautés, ni puissances, ni choses présentes, ni choses futures, ni ce qu’il y a de plus haut, ni ce qu’il y a de plus bas, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus (38, 39) ».
5. Voilà de grandes paroles, mais nous ne les comprenons pas, parce que nous ne savons pas aimer ainsi. Cependant bien qu’elles soient grandes, pour montrer que son amour n’est rien en comparaison de l’amour de Dieu pour lui, il n’en parle qu’en second lieu, de peur de paraître se vanter. Voici ce qu’il veut dire A quoi bon parler du présent, et des maux