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c’est que le démon s’est armé contre lui. Le démon a en effet tout mis en œuvre pour lui nuire : ses amis, sa femme, ses plaies, ses serviteurs ; et rien de cela ne lui a fait de mal. Ce n’était pas encore beaucoup pour lui, bien que cela eût déjà une grande importance ; mais ce qui était bien plus, c’est que tout a tourné à son profit. Car comme Dieu était pour lui, tout ce qui semblait être contre lui, lui est devenu avantageux. Ainsi en a-t-il été pour les apôtres. En effet les Juifs, les gentils, les faux frères, les princes, les peuples, la faim, la pauvreté, mille autres choses encore étaient contre eux, et pourtant rien n’était contre eux. C’est même 1à ce qui les a rendus glorieux, illustres et louables devant Dieu et devant l’es hommes. Pensez donc quelle grande parole Paul a prononcée en faveur des fidèles, de ceux qui sont vraiment crucifiés, parole que ne sauraient s’appliquer ceux mêmes qui sont ceints du diadème. En effet, contre un prince les barbares prennent les armes, les ennemis font irruption, les gardes du corps tendent des embûches, les sujets se révoltent souvent, mille autres dangers se présentent ; mais contre le fidèle, attentif à observer exactement les lois de Dieu, l’homme ni le démon ne peuvent rien. En lui enlevant ses richesses, vous lui préparez une récompense ; en disant du mal de lui, vous le rendez par là même plus glorieux devant Dieu ; en le réduisant à la faim, vous augmentez sa gloire et sa récompense ; en le livrant à la mort, ce qui semble être le pire, vous lui tressez la couronne du martyre. Qu’y a-t-il donc de comparable à cette vie où rien ne peut nuire ; où ceux mêmes qui tendent des pièges ne sont pas moins utiles que des bienfaiteurs ? Aussi Paul dit-il : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? »
Ensuite, non content de ce qu’il vient de dire, il rappelle encore le plus grand signe de l’amour de Dieu pour nous, celui qu’il ne perd jamais de vue : l’immolation du Fils. non seulement, nous dit-il, Dieu les a justifiés, glorifiés, rendus conformes à l’image de son Fils ; mais il n’a pas même épargné ce Fils pour vous. Aussi ajoute-t-il-: « Lui qui n’a pas épargné même son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous aurait-il pas donné toutes choses avec lui (32) ? » L’apôtre emploie ici des expressions énergiques et brûlantes, pour faire comprendre l’amour divin. Comment donc Dieu nous abandonnerait-il, lui qui n’a pas ménagé son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous ? Et songez quelle bonté c’est de ne pas ménager son propre Fils, mais de le livrer, et de le livrer pour tous, pour des êtres sans valeur, pour des ingrats, des ennemis, des blasphémateurs : « Comment ne nous aurait-il pas donné toutes choses avec lui ? » L’apôtre veut dire : S’il nous a donné son Fils, non pas simplement donné, mais donné pour être immolé, comment mettrez-vous le reste en doute, quand vous avez reçu le Maître lui-même ? Comment douterez-vous de la propriété, quand vous avez le propriétaire ? Comment celui qui a donné le plus à des ennemis, refusera-t-il le moins à des amis ? « Qui accusera les élus de Dieu ? (33) ».
3. Ici Paul s’adresse à ceux qui disaient que la foi ne sert à rien, et qui ne croyaient pas à un changement soudain. Et voyez comme il leur ferme promptement la bouche en parlant de la dignité de celui qui a élu. Il ne dit pas Qui accusera les serviteurs de Dieu, ni : Les fidèles de Dieu, mais : « Les élus de Dieu » car l’élection est un signe de vertu. Si, en effet, quand un dompteur de chevaux choisit les poulains propres à la course, personne ne peut l’en blâmer à moins d’encourir le ridicule : à bien plus forte raison, quand Dieu choisit les âmes, serait-on ridicule de lui en faire un reproche. « C’est Dieu qui les justifie ; qui est celui qui les condamnerait ? » Il ne dit pas : C’est Dieu qui remet les péchés ; mais, ce qui est beaucoup plus : « C’est Dieu qui les justifie ». Quand le suffrage du juge, et d’un tel juge, proclame quelqu’un juste ; quelle sera la peine de l’accusateur ? Donc il ne faut pas craindre les épreuves, car Dieu est pour nous, et il l’a assez prouvé par les faits ; ni les niaiseries judaïques, car Dieu nous a Choisis et justifiés, et justifiés, chose étonnante ! par la mort de son Fils. Qui donc nous condamnera quand Dieu nous couronne, quand le Christ a été immolé pour nous, et non seulement a été immolé, mais intercède encore en notre faveur ? « C’est le Christ Jésus », nous dit-il, « qui est mort pour eux, qui de plus est ressuscité des morts, est à la droite du Père et qui même intercède pour nous (34) ».
Bien qu’en possession de sa dignité propre, il n’a point cessé de s’occuper de nous, mais