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« Car elle n’est point soumise à la loi de Dieu et ne peut l’être ». Toutefois ne vous troublez pas en entendant dire « Qu’elle ne le peut » ; c’est une difficulté qui se résout aisément. Par prudence de la chair il entend ici la pensée terrestre, la pensée grossière, qui soupire après les jouissances de la vie et les mauvaises actions : celle-là, il déclare qu’elle ne peut être soumise à Dieu. Quelle espérance de salut reste-t-il donc, si le méchant ne peut devenir bon ? Ce n’est point là ce qu’il dit autrement, comment Paul le serait-il devenu ? Et le larron ? Et Manassès ? Et les Ninivites ? Comment David s’est-il relevé après sa chute ? Comment Pierre, après avoir renié son Maître, est-il rentré en lui-même ? Comment le fornicateur a-t-il été reçu dans le troupeau du Christ ? Comment les Galates, qui avaient perdu la grâce, ont-ils recouvré leur première noblesse ? Paul ne dit donc pas que le méchant ne peut devenir bon, mais qu’en restant méchant il ne peut être soumis à Dieu ; une fois changé, il lui est facile de devenir bon et d’être soumis. Il ne dit pas en effet que l’homme ne peut pas être soumis à Dieu, mais qu’une mauvaise action ne saurait être bonne ; comme s’il disait : La fornication ne peut être la chasteté, ni le vice la vertu. Le Christ dit aussi dans l’Évangile : « Un arbre mauvais ne peut produire de bons fruits » (Mt. 7,18) ; n’empêchant point le passage du vice à la vertu, mais déclarant que celui qui persévère dans le mal ne peut produire dé bons fruits. En effet, il ne dit pas : Un arbre mauvais ne peut devenir bon ; mais seulement : En demeurant mauvais il ne peut produire de bons fruits. Du reste, qu’un changement soit possible, il le fait voir ici par cette autre parabole, où il parle de la zizanie devenue froment.
Aussi défend-il de l’arracher : « De peur », dit-il, « que vous n’arrachiez aussi le froment avec elle » (Mt. 13,29) ; c’est-à-dire, le froment qui en doit sortir. Paul appelle la malice, prudence de la chair ; et prudence de l’esprit ; la grâce qui a été donnée et l’énergie qui se manifeste par la bonne volonté ; il ne parle nullement de nature et de substance, mais de vertu et de vice. Ce que vous n’avez pas pu sous la loi, nous dit-il, vous le pouvez maintenant : marcher droit et sans trébucher, pourvu que vous obteniez le secours de l’Esprit. Car il ne suffit pas de ne pas marcher selon la chair, mais il faut marcher selon l’esprit ; puisqu’il ne suffit pas pour le salut d’éviter le mal, mais qu’il faut encore faire le bien. Or il en sera ainsi, si nous livrons notre âme à l’Esprit, et si nous persuadons à la chair de rester à sa place. Par là nous la rendrons spirituelle ; comme, parla lâcheté, nous rendrons notre âme charnelle.
7. Or, comme le don n’est pas imposé par la nature, mais qu’il est le produit de la libre volonté, il dépend de vous de choisir l’un ou l’autre. Tout ce qui vient de lui est parfait ; car le péché ne combat plus la loi de notre esprit, il ne la captive plus comme auparavant ; c’est est fait, tout est détruit, les passions craintives et tremblantes redoutent la grâce de l’Esprit. Mais si vous éteignez la lumière, si vous jetez le clicher en bas de son siège, si vous chassez le pilote, ne vous en prenez qu’à vous de la tempête. De ce que la vertu est maintenant plus facile, de ce que la sagesse est plus solidement appuyée, apprenez quelle était la situation de l’homme sous l’empire de la loi, et quelle elle est maintenant, depuis que la grâce a brillé. Ce qu’on ne croyait alors possible pour personne, comme la virginité, le mépris de la mort, et tant d’autres sentiments généreux, se pratique aujourd’hui par toute la terre. Ce n’est pas seulement chez nous, mais chez les Scythes, chez les Thraces, chez les Indiens, chez les Perses, chez beaucoup d’autres peuples barbares, que les chœurs de vierges, les troupes de martyrs, les communautés de moines sont plus nombreux que les unions conjugales ; que les jeûnes y sont rigoureux, le détachement parfait : ce qu’aucun de ceux qui vivaient sous la loi, excepté un ou deux, n’eût osé imaginer même en songe. En voyant donc la réalité des faits plus éclatants que le son de la trompette, ne vous laissez point aller à la mollesse, ne trahissez pas une si grande grâce. Quand on a reçu la foi, il n’est plus possible de se sauver avec le relâchement. Si le combat est facile, c’est, pour que vous luttiez et remportiez la victoire ; et non pour que vous vous endormiez, pour que votre lâcheté s’autorise de la grandeur même du bienfait, et que vous vous replongiez dans l’ancien bourbier.
Aussi l’apôtre ajoute-t-il : « Mais ceux qui sont dans là chair ne peuvent plaire à Dieu (8) ». Quoi donc ? direz-vous ; nous tuerons notre corps pour plaire à Dieu ? Vous voulez