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à l’Esprit, de l’Esprit au Fils et au Père, et en attribuant tout ce que nous avons à la Trinité, il le fait encore ici. Car, après avoir dit : « Qui me délivrera de ce corps de mort ? » il a montré que c’est le Père par le Fils, puis l’Esprit-Saint avec le Fils : « Car », dit-il, « la loi de l’Esprit de vie qui est dans le Christ Jésus, m’a affranchi » ; puis le Père et le Fils : « Car », dit-il encore, « ce qui était impossible à la loi, parce qu’elle était affaiblie par la chair, Dieu, envoyant son Fils dans une chair semblable à celle du péché, a condamné le péché dans la chair à cause du péché même (3) ». Une fois encore, il semble accuser la loi ; mais, si on y fait attention, il en fait un grand éloge, en montrant qu’elle est d’accord avec le Christ et impose les mêmes commandements. Il ne dit pas : Ce qui était mauvais dans la loi, mais : « Ce qui était impossible sous la, loi » ; et encore : «. Parce qu’elle était affaiblie », mais non : Parce qu’elle faisait le mal, ni. Parce qu’elle tendait des pièges. Encore ce n’est pas même à elle qu’il impute sa faiblesse, mais à la chair, disant : « Parce qu’elle était affaiblie par la chair » ; et par chair ici il n’entend point la substance même et le sujet, mais le sens trop charnel ; ainsi il justifie de toute accusation et le corps et la loi ; non seulement par ce qu’il vient de dire, mais encore par ce qui suit.
5. En effet, si la loi était contraire, comment le Christ serait-il venu à son aide, aurait-il complété sa justification, lui aurait-il tendu la main, en condamnant le péché dans la chair ? C’était tout ce qui restait à faire, puisque depuis longtemps la loi condamnait le péché dans l’âme. Quoi donc ? La loi a-t-elle fait le principal, et le Fils unique de Dieu l’accessoire ? Nullement. Ce principal, Dieu l’avait fait avant tout, en donnant la loi naturelle, et en y ajoutant la loi écrite ; mais, du reste, il eût été inutile, si l’accessoire n’était venu s’y joindre. Car à quoi sert de connaître ses devoirs, si on ne les remplit pas ? À rien, la condamnation n’en est que plus forte. Celui donc qui a sauvé l’âme est précisément celui qui a refréné la chair. Enseigner est facile ; mais montrer le chemin par où tout devient facile ; voilà le merveilleux. C’est pour cela que le Fils unique est venu, et il ne s’en est pas allé avant de nous avoir dégagés de cette difficulté. Et ce qu’il y a de plus grand encore, c’est la manière dont il a remporté la victoire ; car il n’a pas pris d’autre chair que celle que les maux accablaient ; comme si quelqu’un voyant une femme de vile condition, une vagabonde, maltraitée sur une place publique, se déclarait son fils, étant lui-même fils du roi, afin de l’arracher ainsi aux mains de ceux qui l’outragent. C’est ce que le Christ a fait, se déclarant fils de l’homme, prêtant secours à la chair, et condamnant le péché. Et le péché n’osa plus frapper la chair, ou plutôt il l’a frappée du coup de la mort ; mais par là même, a été condamné et détruit, non la chair qui avait reçu le coup, mais le péché qui l’a donné : chose prodigieuse entre toutes. Car si la victoire n’eût pas été remportée dans la chair, ce serait moins étonnant, puisque la loi en faisait autant ; mais la merveille c’est que le trophée ait été élevé avec la chair, et que celle qui avait reçu du péché d’innombrables blessures, ait elle-même remporté contre le péché une éclatante victoire.
Et voyez que de choses incroyables la première, c’est que le péché n’a pas vaincu la chair ; la seconde, c’est qu’il a été vaincu et vaincu par la chair ; car ce n’est pas la même chose de n’être pas vaincu ou de vaincre celui dont on a toujours été vaincu. La troisième, c’est que non seulement la chair a vaincu, mais qu’elle a, infligé un châtiment ; car, n’ayant ; pas péché, le Christ n’a pas été vaincu ; et en mourant il a vaincu et condamné le péché, en lui rendant terrible la chair qui lui avait, paru jusque-là méprisable. Il a donc ainsi détruit sa puissance et aussi la mort qui était venue à sa suite. En effet, tant que le péché avait rencontré des coupables, il avait eu le droit de leur donner la mort ; mais ayant trouvé un corps innocent et l’ayant aussi livré à la mort, il a été condamné comme coupable d’injustice. Voyez-vous combien de victoires ? La chair n’a pas été vaincue par le péché ; elle l’a elle-même vaincu et condamné, et non simplement condamné, mais condamné comme coupable d’injustice : En effet, elle l’a d’abord convaincu d’injustice, puis elle l’a condamné, non seulement parsa force et par sa puissance, mais encore en vertu du droit. C’est ce que l’apôtre entend, en disant du péché : « Il a condamné le péché dans la chair », comme s’il disait : Il l’a convaincu d’une extrême injustice et l’a ensuite condamné. Voyez-vous que le péché est partout condamné, mais non la chair ; que la chair même est couronnée et