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Si l’homme ne connaissait point la concupiscence avant d’avoir reçu la loi, pourquoi le déluge ? Pourquoi l’incendie de Sodome ? Qu’entend-il donc ? L’accroissement de la concupiscence. Aussi ne dit-il pas : A opéré en moi la concupiscence, mais : « Toute concupiscence », indiquant par là sa violence. Alors, dira-t-on, quelle a été l’utilité de la loi, si elle a augmenté la concupiscence ? Le profit a été nul, mais la perte a été grande, non de la faute de la loi, mais à cause de la lâcheté de ceux qui l’ont reçue. C’est le péché qui a fait cela par la loi ; mais celle-ci s’y opposait, loin d’y consentir. Le péché est donc devenu le plus fort, et de beaucoup ; mais encore une fois, ce n’est point la loi, mais l’ingratitude des Juifs, qu’il faut accuser. « Car sans la loi le péché était mort », c’est-à-dire, n’était pas si connu. Ceux qui ont vécu avant la loi, savaient déjà qu’ils péchaient ; mais ceux qui ont vécu après la loi le savaient bien plus exactement. Ainsi étaient-ils plus coupables. Ce n’est pas la même chose d’être simplement accusé par la nature, ou d’être accusé, par la nature et par la loi qui précise tout.
« Et moi je vivais autrefois sans la loi… (9) ». Quand, dites-moi ? Avant Moïse. Voyez comme il s’attache à prouver que la loi, et parce qu’elle a fait, et par ce qu’elle n’a pas fait, était à charge à la nature humaine. Quand je vivais sans la loi, dit-il, je n’étais pas ainsi condamné. « Mais quand est venu le commandement, le péché a revécu : et moi je suis a mort (10) ». Ceci semble une accusation contre la loi ; mais, si on y regarde de près, on verra que c’en est l’éloge. Car la loi n’a pas produit le péché non existant, mais a seulement révélé son existence ; et c’est là son éloge, puisqu’avant elle, on péchait sans s’en apercevoir, tandis qu’avec elle, à défaut – d’autre avantage, on avait au moins celui de savoir exactement qu’on péchait : ce quine contribuait pas peu à corriger du vice. Que si les Juifs ne se corrigeaient pas, ce n’était point l’affaire de la loi, qui ne négligeait rien pour cela ; tout le reproche en retombe sur leur mauvaise volonté, dépravée au-delà de tout ce qu’on pouvait attendre.
6. Il était en effet contraire à la raison que ce qui devait être utile, devînt nuisible. Aussi Paul disait-il : « Et il s’est trouvé que le commandement qui devait me donner la vie a causé ma mort ». Il ne dit pas : Est devenu la mort, ni : A engendré la mort ; mais : « Il s’est trouvé », interprétant ainsi ce qu’il y avait de nouveau, d’étrange dans cette absurdité, et faisant tout retomber sur leur tête. Si en effet, dit-il, vous considérez le but du commandement, il conduisait à la vie et avait été donné pour cela ; et si la mort en est résultée, c’est la faute de celui qui a reçu le commandement, et non du commandement lui-même, qui conduisait à la vie. Il exprime cela plus clairement encore par ce qu’il dit ensuite : « Ainsi le péché, prenant occasion du commandement, m’a séduit et par lui m’a tué (11) ». Voyez-vous comme partout il poursuit le péché, et justifie la loi de toute accusation ? Aussi ajoute-t-il : « Ainsi la loi est sainte, et le commandement saint, juste et bon (12)».
Du reste, si vous le voulez, produisons l’opinion de ceux qui altèrent ces interprétations, et nous rendrons encore plus clair ce que nous avons dit. Il en est donc qui prétendent qu’il ne s’agit a)oint ici de la loi de Moïse, mais de la loi naturelle, selon les uns ; des commandements donnés dans le paradis terrestre, selon les autres. Or, partout Paul a en vue d’abroger la loi mosaïque, et ne parle jamais contre les deux autres, et avec raison : car c’était par crainte, par terreur de celle-là, que les Juifs combattaient la grâce. Quant au précepte donné dans le paradis, on ne voit pas que Paul ni aucun autre lui ait jamais donné le nom de loi. Pour prouver cela plus clairement par ses propres paroles, reprenons-les, en remontant un peu plus haut. Après leur avoir parlé en détail de la manière de se conduire, il ajoutait : « Ignorez-vous, mes frères, que la loi domine sur, l’homme tant qu’elle vit ? Ainsi, vous aussi, vous êtes morts à la loi ». Donc, s’il parle ici de la loi naturelle, il arriverait que nous, ne l’aurions pas, et, dans ce cas, nous serions plus stupides que les brutes. Mais il n’en est pas, il n’en est certainement pas ainsi. Quant au commandement donné dans le paradis, il n’y a pas lieu à discuter là-dessus ; ce serait peine perdue que de prouver ce dont tout le monde convient. Comment Paul dit-il donc : « Je n’aurais pas connu le péché sans la loi ? » Il n’entend pas parler ici d’une ignorance absolue ; il veut seulement dire que par la loi, la connaissance était plus exacte. Et s’il s’agissait ici de la loi naturelle, quel sens raisonnable aurait ce qui suit : « Et moi je vivais autrefois sans loi ? » Il ne parait pas