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d’un lit, d’un siège, d’un escabeau. Je passe sous silence des meubles plus vils encore, et vous les laisse à penser. Mais si cela vous fait frissonner, abstenez-vous de le faire, et mes paroles ne tomberont point sur vous ; abstenez-vous, renoncez à cette folie : car il y a, dans cette passion, une folie évidente.
La rejetant donc, élevons, quoique tard, nos yeux vers le ciel, rappelons-nous le jour, qui approche : songeons au terrible tribunal, au compte sévère, au jugement impartial ; pensons que Dieu, qui voit tout cela, ne lance point sa foudre, quoique cette conduite mérite encore un plus grand châtiment. Il ne le fait cependant pas, il ne jette point contre nous les flots de la mer, il n’entr’ouvre pas la terre parle milieu, il n'éteint pas le soleil, il ne précipite point en bas le ciel avec ses astres, en un mot il ne fait pas tout disparaître ; mais il laisse chaque chose en son ordre, et permet que toute la création soit à notre service. En pensant à cela, redoutons l’étendue même de cette bonté ; revenons à notre noblesse propre car, maintenant, nous ne valons pas mieux que les brutes, nous sommes même bien au-dessous d’elles : en effet elles aiment les animaux de leur espèce, et la communauté de nature suffit à créer en elles un attachement réciproque.
Et vous, qui outre la communauté de nature, avez mille raisons de vous unir étroitement à vos propres membres : l’honneur d’être doué de raison, le lien d’une même religion, la participation à des biens sans nombre, vous êtes plus cruels que les bêtes sauvages, quand vous mettez le plus grand soin à des choses inutiles, dédaignez les temples de Dieu en proie à la faim et à la nudité, et souvent même les précipitez dans un abîme, de maux. Si vous agissez par amour de la gloire, encore devriez-vous bien plutôt soigner un frère qu’un cheval. Plus celui à qui vos bienfaits s’adressent est grand, plus sera brillante la couronne que ces bienfaits mêmes vous tresseront ; tandis qu’en tenant une conduite toute contraire, vous vous attirez, sans vous en apercevoir, des milliers d’accusateurs. Qui ne dira pas de mal de vous ? Qui ne vous accusera pas d’extrême barbarie et d’inhumanité, en vous voyant mépriser l’espèce humaine, préférer à des hommes des animaux, puis une maison, puis des meubles ? N’avez-vous pas entendu les apôtres dire que ceux qui reçurent la parole les premiers vendaient leurs maisons et leurs champs, pour nourrir leurs frères ? Et vous, vous volez des maisons et des champs, pour orner un cheval, du bois, des peaux, des murs, un pavé !
Et ce qu’il y a de plus grave, c’est que ce ne sont pas seulement des hommes, mais, des femmes, qui sont en proie à cette folie, qui poussent les hommes à ces futilités, et les forcent à dépenser pour tout plutôt que pour les choses nécessaires ; et si on leur en fait un reproche, elles s’excusent d’une manière tout à fait blâmable. On fait l’un et l’autre, dit-on. Quoi ! vous n’avez pas honte de dire cela ? de mettre le Christ, mourant de faim, au, des chevaux, des mulets, des lits, des escabeaux ? et pas même à ce niveau, puisque vous faites à ces objets la plus grande part, tandis que vous lui en réservez à peine une petite ? Ne savez-vous pas que tout est à lui, et vous, et ce qui vous appartient ? Ne savez-vous pas qu’il a formé votre corps, qu’il vous a donné une âme, et arrangé pour vous le monde entier ? Et vous ne le payez pas du moindre retour ! Si vous avez loti une petite maison, vous exigez sévèrement le prix convenu ; et quand vous jouissez de la création entière ; quand vous habitez un si vaste univers, vous refusez de payer à Dieu le moindre prix, vous vous livrez, vous et tout ce qui vous appartient, à la vaine gloire : car la vaine gloire est la source d’où tout cela dérive. Un cheval n’en est ni meilleur ni plus vigoureux pour être paré de ces ornements ; on en peut dire autant de celui qui le monte, quelques fois même il en est moins honoré. Car beaucoup de gens perdent de vue le cavalier pour fixer leurs yeux sur les harnais du cheval, sur les domestiques qui vont en avant et en arrière et écartent la foule ; quant au maître, ils le prennent en aversion et s’en détournent comme d’un ennemi commun.
Il n’en est pas ainsi quand vous prenez soin d’orner votre âme ; alors les hommes, les anges, le Maître même des anges, vous, tressent tous ensemble une couronne. Donc, si vous aimez la gloire, cessez de faire ce que vous faites ; embellissez votre âme, et non votre maison, afin de devenir illustre et glorieux ; car il n’y a rien de plus misérable que vous, si, ayant l’âme nue et désolée, vous vous glorifiez de la beauté de votre maison. Que si mes paroles vous déplaisent, écoutez ce qu’a