Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/257

Cette page n’a pas encore été corrigée

comme nous ; mais du reste il était bien plus grand, bien meilleur que nous en zèle, en foi, en charité.
Imitons-le donc, faisons en sorte que le Christ parle par notre bouche ; car il le souhaite plus vivement que nous et c’est pour cela qu’il nous a donné cet organe, qu’il ne veut pas voir inutile et oisif, mais qu’il désire avoir sans cesse en mains. Pourquoi donc ne le tenez-vous pas toujours à la disposition de l’artiste ? Pourquoi en relâchez-vous les cordes et les amollissez-vous par la volupté, de manière à rendre la lyre entière inutile pour lui, quand il faudrait tendre ces cordes, les rendre sonores et les resserrer par le sel spirituel ? Si le Christ la voyait d’accord, en cet état, lui-même en toucherait dans notre âme. Et alors, vous verriez danser les anges, les archanges et les chérubins. Soyons donc dignes de ces mains sans tache ; invitons-le à venir jouer dans notre cœur ; il n’a même pas besoin d’être invité : rendez-le digne de ce contact ; et lui-même accourra le premier. S’il, vient au-devant des retardataires (il faisait déjà l’éloge de Paul avant sa conversion), que ne fera-t-il pas quand il verra un instrument préparé ? Et si le Christ fait entendre des sons, l’Esprit arrivera infailliblement, et nous serons au-dessus du ciel, puisque nous n’aurons plus seulement l’impression glu soleil et de la lune sur notre corps, mais que le maître du soleil, de la lune et des anges habitera et agira en nous.
Je dis cela, non pour que nous ressuscitions les morts, ni que nous guérissions les lépreux ; mais pour que nous montrions un signe bien au-dessus de tous les autres, la charité. Car partout où – est ce bien, le Fils vient immédiatement avec le Père et la grâce de l’Esprit descend, En effet il est écrit : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ». (Mt. 18,22) C’est une preuve de grande affection et d’un vif amour, quand des deux côtés les amants sont ensemble. Mais, direz-vous, qui est assez malheureux pour ne pas désirer d’avoir le Christ au milieu de soi ? Nous-mêmes, qui sommes en guerre les uns, avec les autres. Peut-être quelqu’un rira-t-il de moi, et dira-t-il : Que dites-vous là ? Vous nous voyez tous réunis dans le même lieu, dans l’enceinte de la même église, formant en parfait accord le même bercail, sans aucune contradiction, acclamant ensemble le même pasteur, écoutant ensemble ce qui se dit, priant ensemble : et vous venez parler de guerre et de discorde ? Oui, et je ne suis pas foi, et je ne déraisonne pas. Je vois en effet ce que je vois, et je sais que nous sommes dans le même bercail et sous le même pasteur. Et c’est ce qui fait surtout couler mes larmes : qu’ayant tant de raisons de nous unir, nous soyons cependant divisés. Quelle division voyez-vous donc ici, me direz-vous ? Ici, aucune ; mais dès que le sermon sera fini, un tel accusera un tel ; l’un insultera publiquement, l’autre sera jaloux, ou avare, ou voleur, un autre usera de violence, un autre se livrera à de coupables amours, un autre combinera mille fraudes. Et si toutes nos âmes pouvaient être mises à nu, vous verriez tout cela en détail et vous reconnaîtriez que je ne suis pas fou.
8. Ne voyez-vous pas dans les armées, en temps de paix, les soldats déposer les armes, et passer ainsi sans défense et sans précaution, dans le camp ennemi ? Mais dès qu’ils se sont munis de leurs armes, ce sont des gardes, des postes avancés, des nuits sans sommeil, des feux continuels : toutes choses qui n’indiquent plus la paix ; mais la guerre. Voilà précisément ce qu’on peut voir chez nous, nous nous observons et nous nous craignons les uns les autres, nous parlons à l’oreille du voisin, puis, si un tiers survient, nous nous taisons, nous supprimons le sujet de la conversation : ce qui n’est pas une preuve de confiance, mais bien d’une extrême défiance. Mais, direz-vous, nous cherchons seulement à nous garantir, et non à faire tort. Voilà encore ce qui me fait gémir : que, vivant parmi des frères, nous ayons besoin de nous tenir en garde pour ne point éprouver d’injustice, d’allumer tant de feux, d’avoir tant de sentinelles et de postes « dansés. Et la cause de tout cela c’est l’habitude du mensonge et de la fraude, le défaut de charité, une guerre implacable. Aussi trouve-t-on une foule de personnes qui ont plus de confiance dans les païens que dans les chrétiens. Pourtant quel sujet de honte, de larmes, de gémissements ! Eh ! comment faire, direz-vous ? un tel est d’un mauvais caractère et de relation difficile. Mais où est votre sagesse ? Où sont les lois apostoliques, qui nous ordonnent de porter les fardeaux les uns des autres ? Si vous ne pouvez vivre en paix avec votre frère, comment vivrez-vous avec un étranger ? Si vous ne savez pas manier votre propre