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celle qui suit la foi », dit-il : établissant la parenté avec les nations, et montrant que ceux-là ne peuvent avoir de rapport avec Abraham, qui n’ont pas la même foi que lui. Voilà un troisième effet de la foi : elle a resserré les liens de parenté avec le juste et l’a fait père d’une famille plus nombreuse. Aussi Paul ne dit-il pas simplement Abraham, mais « Abraham, le père de nous, les croyants ». Puis donnant un sceau à ce témoignage, il ajoute : « Comme il est écrit : Je t’ai établi père d’une multitude de nations (17) ».
Voyez-vous que tout est réglé depuis longtemps ? Mais, direz-vous, n’est-il pas ici question des Ismaélites, des Amalécites, des Agarépiens ? Il montrera clairement plus bas que ce n’est point de ceux-là qu’il s’agit. En attendant il passe à une autre preuve, en déterminant le mode de cette parenté et la prouvant avec beaucoup d’habileté. Que dit-il donc ? « Devant Dieu à qui il a cru », c’est-à-dire Comme Dieu n’est point le Dieu de quelques-uns, mais le Dieu de tous, ainsi en est-il d’Abraham. Et encore : Comme Dieu n’est point père selon la nature, mais par le lien de la foi, ainsi en est-il d’Abraham : car c’est l’obéissance qui l’a fait le père de nous tous. Et comme, les Juifs ne tenaient aucun compte de cette parenté, pour s’attacher à l’autre plus grossière, il montre que la première est plus importante, en les faisant remonter à Dieu. De plus il déclare qu’Abraham a reçu en elle la récompense de sa foi ; sans quoi, fût-il le père de tous les habitants de, la terre, ce mot « devant », n’aurait plus de sens et le don de Dieu serait amoindri : car « devant » veut dire de la même manière. Qu’y aurait-il d’étonnant, je vous le demande, à ce qu’il fût le père de ceux de sa race ? C’est là le propre de tous les hommes. Le merveilleux est qu’il ait reçu, par le don de Dieu, ceux que la nature ne lui avait pas donnés.
5. Si donc vous croyez que le patriarche a été honoré, croyez qu’il est le père de tous. Après avoir dit Devant Dieu à qui il a « cru », il ajoute : « Qui vivifie les morts et appelle les choses qui ne sont pas, comme celles qui sont », proclamant déjà la doctrine de la résurrection ; ce qui lui était utile pour le but qu’il se proposait. Car s’il est possible à Dieu de vivifier les morts, d’appeler les choses qui ne sont pas comme celles qui sont, il peut aussi donner pour fils à Abraham ceux qui ne sont pas nés de lui. Aussi l’apôtre ne dit-il pas : Qui produit les choses qui ne sont pas comme celles qui sont, mais « qui « appelle », pour mieux indiquer un pouvoir à qui tout est facile. En effet, comme il nous est facile d’appeler des choses qui sont, ainsi il est facile, et bien plus facile encore, à Dieu de produire les choses qui ne sont pas. Après avoir rappelé le grand, l’ineffable don de Dieu et parlé de sa puissance, il montre que la foi d’Abraham était digne de ce don, pour, qu’on ne croie pas qu’il a été honoré sans raison. Après avoir éveillé l’attention de l’auditeur, de peur qu’il ne se trouble et que le Juif ne soulève une difficulté et ne dise : Comment ceux qui ne sont pas fils peuvent-ils devenir fils ? Il revient au patriarche et dit : « Qui ayant espéré contre l’espérance a cru qu’il deviendrait le père d’un grand nombre de nations, selon ce qui lui fut dit : Ainsi sera, ta postérité (18) ».
Comment a-t-il cru à l’espérance contre l’espérance ? Il a cru à l’espérance de Dieu contre l’espérance de l’homme. Paul fait voir la grandeur de la chose et ne permet pas qu’on mette sa parole en doute : Ce qui paraît contradictoire est concilié par la foi. S’il eût parlé des descendants d’Ismaël, ce langage serait inutile ; car c’étaient des enfants selon la nature et non selon la foi. Mais il introduit aussi Isaac : car ce n’était pas pour ces nations qu’Abraham avait cru, mais pour l’enfant qui devait naître d’une femme stérile. Si donc c’est une récompense d’être père d’un grand nombre de nations, cela s’entend évidemment des nations pour lesquelles il a cru. Et pour vous convaincre que c’est bien d’elles qu’il est question, écoutez la suite : « Et sa foi ne faiblit point, et il ne considère ni son corps éteint, puisqu’il avait déjà environ cent ans, ni l’impuissance de Sara (19) ».
Voyez-vous comme il fait ressortir les obstacles, et aussi la grandeur d’âme du juste qui les surmonte tous ? « Contre l’espérance », nous dit-il, en parlant de la promesse. Voilà le premier obstacle : car le patriarche n’avait point sous les yeux l’exemple d’un autre Abraham qui eût eu ainsi un fils. Ceux qui sont venus après lui ont fixé les yeux sur lui ; niais lui n’a pu les fixer sur personne, si ce n’est sur Dieu seul ; aussi nous dit-on : « Contre l’espérance ». Ensuite, un corps éteint, second obstacle ; puis l’impuissance