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informé qu’il en était déjà ainsi dans les temps précédents, sera beaucoup plus disposé à l’admettre pour l’époque de la foi. Or il appelle ici Grecs, non les idolâtres, mais ceux qui honoraient Dieu, qui obéissaient à la loi naturelle, ceux qui, placés en dehors du judaïsme, observaient tout ce qui porte à la piété : tels que Melchisédech, Job, les Ninivites, Corneille. Déjà il commence à, saper par la base la différence entre la circoncision et l’incirconcision, et attaque de loin cette distinction, de manière à n’exciter aucun soupçon et paraître y être amené forcément par une autre raison ; ce qui est le propre de la prudence apostolique. Car s’il eût avancé qu’il en était ainsi au temps de grâce, son langage eût paru fort suspect ; mais en entrant dans ce sujet à la suite d’autres raisonnements, à l’occasion du vice et de la corruption qui régnaient autrefois dans le monde, il n’éveillait aucun soupçon contre son enseignement.
4. Voici la preuve que c’était là son intention et qu’il disposait son discours dans ce but. S’il n’avait pas voulu prouver ce point, il lui suffisait de dire : « Par ta dureté et ton cœur impénitent tu t’amasses un trésor de colère pour le jour de la colère », puis de couper court sur ce sujet, comme étant épuisé. Mais comme il n’avait pas seulement en vue de traiter du jugement dernier, mais de montrer que le Juif n’avait rien de plus que le Grec ; pour que le Juif ne s’enorgueillisse pas, il va plus loin et procède par ordre. Voyez : il a épouvanté l’auditeur, il a fait retentir le terrible jugement, il a dit quel mal c’est de vivre dans le vice ; il a démontré que personne ne pèche par ignorance ni ne restera impuni, et que, pour être différée, la punition n’en viendra pas moins ; maintenant il veut prouver que la doctrine de la toi n’était pas chose absolument indispensable ; que la peine et la récompense dépendent des œuvres, et non de la circoncision ou de l’incirconcision. Donc après avoir dit que le Grec sera certainement puni, et avoir posé ce principe comme avoué, et prouvé par là même qu’il sera aussi récompensé, il démontre que la loi et la circoncision étaient choses superflues.
Ici il combat surtout les Juifs. Cap comme les Juifs étaient trop enclins à discuter, d’abord par orgueil et parce qu’ils ne voulaient point être comptés parmi les gentils, ensuite parce qu’ils se moquaient de ceux qui disaient que la foi efface tous les péchés : L’apôtre attaque d’abord les Grecs, dont il s’agissait en ce moment, afin d’attaquer ensuite les Juifs librement et sans exciter de soupçon ; puis quand il en vient à parler du jugement, il fait voir que non seulement la loi ne sera d’aucune utilité au Juif, mais qu’elle lui sera à charge, et il en a déjà la preuve plus haut. En effet si le Grec est inexcusable de ne s’être pas corrigé sur l’invitation de la nature et de la raison, à plus forte raison le Juif qui a reçu en outre l’enseignement de la loi. Après lui avoir donc fait accepter ce raisonnement pour ce qui regarde les péchés des autres, il le force à l’admettre aussi pour ce qui concerne les siens. Et pour mieux faire agréer son langage, il l’adoucit en disant : « Gloire, honneur et paix à quiconque fait le bien, au Juif d’abord, puis au Grec ». Ici-bas en effet, quelques biens que l’on possède, ils sont accompagnés dé beaucoup de troubles, fût un riche, puissant ou roi ; si l’on n’est point en guerre avec d’autres, on y est au moins avec soi-même, avec ses propres pensées ; mais dans l’autre vie, rien de pareil ; tout est tranquille, exempt de trouble, rempli de la véritable paix.
Après avoir donc prouvé plus haut que ceux qui n’ont pas la loi jouiront des mêmes avantages, il continue son raisonnement en disant « Car Dieu ne fait point acception des personnes (11) ». Quand il dit que le Juif et le Grec seront punis pour avoir péché, il n’a pas besoin de recourir au raisonnement ; mais pour établir que le Grec sera récompensé, il lui faut une preuve. Cela semblait en effet quelque chose d’étonnant, de paradoxal, de dire que celui qui n’avait ni la loi ni les prophètes, serait récompensé pour ses bonnes actions. Aussi, comme je l’ai déjà dit, habitue-t-il d’abord, leurs oreilles à entendre parler des temps qui ont précédé la grâce, afin de les amener plus facilement à sa pensée, à l’aide de la foi. Ici surtout il n’est plus suspect puisqu’il ne parle plus d’après lui-même. Donc, après avoir dit : « Gloire, honneur et paix à quiconque fait le bien, au Juif d’abord, puis au Grec », il ajoute : « Car Dieu ne fait point acception des personnes ».
O ciel ! quelle surabondance d’arguments ! Il prouve d’abord par l’absurde que si la chose n’était pas ainsi, elle ne serait pas selon Dieu, puisqu’il y aurait acception, de personnes ; ce qui ne peut convenir à Dieu. Il ne dit pas :