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ont été sur les lieux et ont vu de leurs yeux les suites de la colère céleste et les traces de la foudre. Considérez l’énormité de ce crime, qui a rendu nécessaire une image anticipée de l’enfer. Comme beaucoup méprisaient les avertissements, Dieu a voulu donner, sous une forme nouvelle, une figure de la géhenne. Et au fait cette pluie était extraordinaire, parce que le crime était contre nature, et elle a inondé la terre parce que la passion avait envahi les âmes. Voilà pourquoi la pluie était extraordinaire : car non seulement elle ne féconda point la terre pour la production des fruits, mais elle la rendit incapable de recevoir les semences. Tel était le commerce charnel des Sodomites, qu’il frappait même ce grand corps de stérilité. Qu’y a-t-il de plus abominable que l’homme métamorphosé en prostituée ? Qu’y a-t-il de plus infâme ? O fureur ! O délire ! Comment cette passion s’est-elle répandue, elle qui a traité la nature humaine en ennemie, elle Plus cruelle même qu’un ennemi, d’autant que l’âme l’emporte sur le corps ? O êtres plus déraisonnables que les brutes, plus impudents que les chiens ! Car nulle part chez les animaux on ne voit de telles unions ; là, la nature reconnaît ses limites ; mais vous, en déshonorant ainsi votre espèce, vous la placez au-dessous de celle des brutes. Encore une fois, quelle est la source de ces maux ? La volupté, l’oubli de Dieu ; car dès qu’on a perdu la crainte de Dieu, tous les biens s’envolent à la fin.
4. Pour éviter ces maux, ayons toujours devant les yeux la crainte de Dieu. Car rien, rien n’est funeste à l’homme comme d’abandonner cette ancre ; rien ne lui est salutaire comme d’avoir toujours les yeux de ce côté-là. Si la présence d’un homme nous retient sur la pente du péché ; si, souvent par égard pour le plus humble domestique, nous nous abstenons d’une action déplacée, pensez quelle sécurité nous puiserions dans le souvenir continuel de la présence de Dieu. Jamais alors le démon ne nous attaquerait, persuadé de l’inutilité de ses efforts ; mais s’il nous voit errant au-dehors, courant çà et là sans frein, profitant de nos avances, il pourra nous jeter hors du bercail. Si nous nous écartons des commandements de Dieu, il nous arrivera ce qui arrive sur les places publiques aux serviteurs négligents qui, oubliant leurs commissions principales, celles mêmes pour lesquelles on les a envoyés, s’accrochent sans but et au hasard aux premiers venus et perdent leur temps.
Nous restons debout à admirer les richesses, la beauté du corps et d’autres choses qui ne nous concernent en rien. Semblables à ces serviteurs qui s’amusent à voir les tours de passe-passe de quelques mendiants, et au retour expient leur retard par les plus durs traitements. Beaucoup quittent la voie ouverte devant eux pour suivre ceux qui s’abandonnent à ces désordres. Ne les imitons point car nous sommes envoyés pour des œuvres pressantes ; et si nous les négligeons pour rester bouche béante devant des objets inutiles, nous perdrons notre temps et nous serons punis du dernier supplice. Que si vous voulez exercer votre attention, vous avez de quoi admirer, de quoi rester toujours en contemplation et ce ne seront plus des sujets ridicules, mais merveilleux et tout à fait estimables ; tandis que celui qui admire des objets ridicules, devient lui-même ridicule et plus que le baladin même. Hâtez-vous d’échapper à ce malheur.
Car enfin pourquoi, dites-le-moi, êtes-vous en admiration, en extase devant la richesse ? Qu’y voyez-vous de si merveilleux, de si digne de captiver vos regards ? Dès chevaux aux harnais dorés ; des domestiques, les uns étrangers, les autres eunuques ; de splendides vêtements par-dessous une âme amollie, un front altier, des mouvements, du bruit ? Qu’y a-t-il d’admirable là-dedans ? Quelle différence voyez-vous entre ces riches et les mendiants qui dansent ou sifflent sur les places publiques ? Car eux aussi, dans une extrême indigence de toute vertu, ces riches dansent d’une manière encore plus ridicule, courent çà et là, tantôt à des tables somptueuses, tantôt au logis de femmes perdues, tantôt vers la foule de leurs flatteurs et de leurs parasites. S’ils portent de l’or, ils n’en sont que plus misérables d’attacher tant d’intérêt à ce qui ne les regarde pas. Ne vous arrêtez pas aux vêtements, mais pénétrez jusqu’à leur âme, et voyez les mille blessures dont elle souffre, les haillons qui la couvrent, sa solitude, son délaissement. À quoi lui sert la folie du dehors ? Il vaut bien mieux être pauvre avec la vertu que roi avec le vice. Le pauvre jouit au dedans de toutes les délices de l’âme, sa richesse intérieure lui fait oublier sa pauvreté extérieure ;