Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/164

Cette page n’a pas encore été corrigée

véritable apostolat : voilà comment l’Évangile fait sa trame.
« Dieu, qui est le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, sait que je ne mens point. Le gouverneur de la province de Damas, pour le roi Arétas, faisait faire garde dans la ville pour m’arrêter (31, 32) ». Pourquoi, ici, cette protestation qu’il dit vrai, cette manière d’affirmer dont il ne s’est jamais servi jusque-là ? C’est probablement que le fait était vieux et peu connu ; tandis que le reste était parfaitement connu, par exemple sa sollicitude pour les Églises, et tout ce dont il a parlé. Comprenez maintenant la violence de la guerre excitée contre lui, s’il était cause que l’on faisait garder la ville. Quand je parle de la violence de la guerre, je parle du zèle ardent de Paul ; si son ardeur eût été moins vive, il n’aurait pas excité à ce point la rage du gouverneur. Voilà ce que fait une âme vraiment apostolique ; sous tant de coups qui la frappent, elle n’est pas ébranlée, elle supporte tout avec une noble fierté, elle ne se précipite pas d’ailleurs au-devant des périls, elle ne les cherche pas pour s’y jeter par plaisir. Voyez à quel moyen il eut recours pour échapper au gouverneur : « Mais on me descendit par une fenêtre dans une corbeille (33) ».. Sans doute il désirait quitter cette terre, mais il n’en désirait pas moins le salut des hommes. Voilà pourquoi il a souvent recours à de pareils moyens ; il veut se conserver pour la prédication ; il ne refusait pas d’employer des moyens humains, quand les circonstances l’exigeaient ; telle était sa prudence et son activité. Lorsque les malheurs étaient inévitables, il n’avait recours qu’à la grâce ; quand l’épreuve n’excédait pas certaines limites, il trouvait dans son propre fonds un grand nombre de ressources ; et, ici encore, c’est à Dieu qu’il rapportait tout. Supposez une étincelle d’un feu inextinguible, tombant dans la mer, ensevelie sous les flots qui s’amoncellent, et reparaissant brillante au-dessus des ondes ; tel était le bienheureux Paul, tantôt englouti sous les dangers, tantôt affranchi, libre, plus brillant, triomphant par son courage de tous les malheurs.
3. Voilà l’éclatante victoire, voilà le trophée de l’Église, voilà ce qui met en fuite le démon,-nos souffrances. Pendant que nous subissons les souffrances, le démon est captif, c’est lui qui souffre du mal qu’il veut nous faire. C’est ce qui est arrivé à Paul ; plus le démon suscitait de dangers contre lui, plus ce maudit se voyait vaincu. Un seul genre d’épreuves ne lui suffisait pas, il variait, il diversifiait les périls. Tantôt la fatigue, tantôt le découragement, tantôt la crainte, tantôt la douleur, tantôt les angoisses, tantôt la honte, tantôt tous ces moyens ensemble ; il avait beau tenter, en toutes choses l’apôtre remportait la victoire. Supposez un soldat tout seul, tenant tête à la terre soulevée contre lui pour le combattre, soulevée tout entière, et au milieu des bataillons ennemis, ce soldat n’éprouve aucun mal ; c’est l’image de Paul, seul au milieu des barbares, au milieu des Grecs, présent sur toute ruer, présent sur toute terre, et toujours invincible. Supposez une étincelle tombant sur la paille ou le foin, convertissant en sa nature tout ce qu’elle embrase : c’est l’image de Paul dans sa course, ramenant tous les hommes à la vérité ; c’est un torrent qui inonde tout, qui renverse tous les obstacles. Supposez un seul et même athlète à la lutte, à la course, au pugilat ; un soldat assiégeant des murailles, combattant à pied, combattant sur mer. C’est l’image de Paul livrant toute espèce de combats, répandant le feu de son zèle et nul n’ose l’approcher ; à lui seul, il embrassait toute la terre, sa seule langue convertissait toutes les âmes.
Toutes ces trompettes qui tombèrent sur les murailles de Jéricho (Jos. 6,20), et les brisèrent, n’égalent pas cette voix retentissante qui jette par terre les citadelles du démon, et tire à soi ses ennemis transformés. Il faisait des prisonniers en foule ; ces captifs, il les armait ensuite, il en faisait ses soldats à lui, son armée à lui, et, par eux, il remportait d’admirables victoires. David renverse Goliath d’un seul coup de pierre (1Sa. 17,49) ; pesez les exploits de Paul, et l’œuvre de David n’est qu’une action d’enfant ; vous trouvez entre eux toute la différence du berger et du général. Paul ne renversait pas Goliath d’un coup de pierre ; mais de sa voix il mettait en fuite toute la phalange du démon ; comme un lion rugissant, dont la langue lancerait du feu, il ne trouvait personne pour lui résister, et c’étaient partout des bonds continuels, fondant sur les uns, tombant sur les autres, s’élançant sur d’autres encore, les premiers le revoyaient accourant plus vite que le vent, et comme on gouverne une seule maison, un