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lambeaux, montre encore son énergie invincible. Et Marcion et les Manichéens ont prétendu se servir de Paul, mais en le mutilant ; qu’est-il arrivé ? qu’ils sont convaincus, réfutés par ces lambeaux mêmes. Il suffit de la main du fort étendue sur eux, pour les mettre en pleine déroute ; de son pied, même séparé de son corps, pour les poursuivre et les disperser de toutes parts ; ce membre mutilé, défiguré, conserve assez de force encore pour confondre tous les opposants. – Eh bien, dira-t-on, c’est une preuve de perversité que la même parole puisse servir à tous ceux qui se livrent de mutuels combats. De perversité, oui, mais ce n’est pas à Paul qu’il la faut imputer, cette perversité, gardons-nous-en bien, mais à ceux qui prétendent faire, de sa parole, un pareil usage. Il n’y avait pas en lui de versatilité ; il est simple, il est parfaitement clair ; mais ces hérétiques ont corrompu le sens de ses paroles pour les rendre conformes à leurs propres pensées. Et comment, dira-t-on, ses expressions ont-elles pu donner prise à ceux qui ont voulu s’en servir ? Ce ne sont pas ses expressions qui donnent prise à l’erreur, c’est la démence des hérétiques qui abuse des expressions. Ce monde que nous voyous, ce monde entier si grand et si digne d’admiration prouve assez la divine sagesse : « Les cieux racontent la gloire de Dieu ; le jour l’annonce au jour, et la nuit en donne la connaissance à la nuit » (Ps. 18,1-2) ; et cependant ce monde est, pour le grand nombre, un scandale, et les hommes disputent entre eux. En effet, les uns l’admirant outre mesure, en ont fait un Dieu ; les autres, au contraire, en ont méconnu la beauté jusqu’à le regarder comme indigne d’être la création d’un Dieu, jusqu’à en attribuer la plus grande partie à une matière mauvaise.
Et cependant Dieu avait prévenu cette double erreur : il l’avait fait beau et grand, pour qu’on ne le jugeât pas au-dessous de sa sagesse, et, en même temps, il l’avait fait défectueux, incapable de se suffire à soi-même, pour qu’on ne le soupçonnât pas d’être un Dieu. En dépit de cette conduite de Dieu, les hommes, aveuglés par leurs raisonnements, sont tombés dans la contradiction des opinions, se réfutant les uns les autres, s’accusant les uns les autres, et justifiant la sagesse divine par l’erreur des raisonnements où ils se sont eux-mêmes égarés. Mais que parlé-je du soleil et du ciel ? Les Juifs avaient vu de leurs yeux une infinité de miracles, et ils se mirent aussitôt à adorer un veau d’or. Ce n’est pas tout ; ils virent encore le Christ chassant les démons, et ils l’accusèrent d’être possédé du démon. Était-ce la faute de celui qui chassait les démons ou celle de ces aveugles, de ces insensés ? N’allez donc pas accuser Paul, ni le rendre responsable des folles pensées de ceux qui ont abusé de ses paroles, appliquez-vous plutôt à bien vous rendre compte du trésor de Paul, à contempler ses richesses, à tenir tête fièrement à tous les hommes en vous revêtant de ses puissantes armes ; c’est ainsi que vous fermerez la bouche aux Grecs et aux Juifs. Mais comment est-ce possible, dira-t-on, s’ils n’ont pas foi en lui ? Par les événements qui se sont accomplis par lui, par le spectacle de la terre entière qui s’est redressée à sa voix. Ce n’est pas une puissance humaine qui a accompli une telle œuvre ; la vertu du crucifié, soufflant sur lui, l’a seule rendu plus fort que tous, les orateurs, philosophes, rois, empereurs, plus puissant que toutes les puissances, et Paul n’a pas eu pour lui seul le pouvoir de revêtir de telles armes, et de terrasser ses adversaires, il lui a été donné de rendre d’autres, avec lui, aussi puissants que lui. Donc voulons-nous être utiles, nous aussi, et à nous-mêmes, et aux autres, ne nous lassons pas de tenir Paul entre nos mains, au lieu de demander nos, plaisirs aux prairies, aux vergers, faisons, de ses écrits, nos plus chères délices. C’est ainsi que ; nous pourrons nous affranchir de la corruption, conquérir la vertu, obtenir les biens qui nous sont annoncés, par la grâce et par la bonté de Notre Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, comme au Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, la puissante, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.