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l’aperçut faisant bravement route au Sud, ou comme il le dit « vers Brownsville[1].» Il était haletant, affaibli, avait l’œil hagard; les idées en; désordre. Depuis quarante heures, il n’avait pas eu d’eau, car dans son empressement à chercher les bœufs, il avait quitté le camp sans boire ni manger. Durant la première journée il n’avait rien pris. Vers le soir, harassé de fatigue, baigné de sueur, en proie à une extrême agitation, il avait essayé, nous dit-il, de manger les feuilles du nopal, comme nos animaux, et il les avait trouvées rafraîchissantes. Après une nuit sans sommeil, il avait aperçu, au point du jour, un superbe pita, placé devant lui comme par une main secourable. Les fleurs n’étaient pas encore épanouies. La hampe charnue d’où sortent les boutons lui offrit, suivant ses paroles, un excellent déjeuner[2]. Quelques soins et un jour de repos rendirent à notre camarade la santé, la vigueur, la joie, et nous ne songeâmes plus qu’à poursuivre notre chemin.

Le 17, comme nous étions au bivac vers l’heure du coucher du soleil, trois cavaliers parurent à distance dans la plaine, et tournèrent aussitôt vers nous. L’un d’eux était lieutenant dans l’armée confédérée. Nous eûmes à subir un nouvel interrogatoire fort rigoureux, d’où nous sortîmes toutefois à notre avantage. Favoriser l’exportation du coton étant devenu le mot d’ordre du Sud, tous ceux qui étaient engagés dans une pareille entreprise méritaient des encouragements et des égards. Il suffisait que les charretiers eussent un caractère

  1. Nous étions alors à cent dix kilomètres de cette ville.
  2. J’ai eu la curiosité de goûter de cette hampe crue (quiote de pita) ; l’amertume de la sève m’a paru insupportable.