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nourriture d’une nouvelle espèce, qui avait du moins le mérite de rafraîchir leur palais enflammé.

Il fallait passer le Rio de las Nueces ou Rivière des Noix, dont les rives sont fort escarpées. Il fut décidé que nous traverserions bravement la bourgade d’Oakville. Nous n’ignorions pas que les personnages influents de la localité étaient corps et âme pour l’extension de l’esclavage. Dans un meeting récent, les habitants de cette petite ville avaient arrêté qu’ils s’opposeraient à l’exportation du coton par la voie de leur commune ; mais nous savions aussi que les chefs du parti leur en avaient remontré sévèrement sur ce point. En effet, le coton qui esquive le blocus en prenant le chemin du Mexique, est payé en munitions de guerre, dont le Sud a grand besoin.

C’est le 24 au matin que nous entrâmes dans l’agglomération d’Oakville. Quelques habitants vinrent à nous, sans armes, et dans des dispositions amies. La question du coton les absorbait tout entiers ; elle les empêchait de songer aux personnes des charretiers. Tout en s’efforçant de justifier les résolutions de leur meeting, ils nous déclarèrent qu’ils se soumettaient aux vues de leur parti, et qu’ils n’entendaient pas mettre obstacle à notre passage. « Votre coton, nous dirent-ils en terminant la conversation, tombera dans les mains des yankees, c’est sûr ; mais enfin c’est votre affaire, passez ! »

Nous passâmes en effet. Le moindre travail de viabilité rendrait pratiquables aux plus lourdes voitures les bords abrupts de la rivière, qui sont à peine adoucis sur quelques points par le passage répété des chariots. Mes talents de bouvier se trouvèrent en défaut. J’avais