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XXII

MÉMOIRE ET MNÉMOTECHNIE


Il me souvient d’avoir rencontré, dans ma jeunesse, des paysans, tout à fait illettrés dont la mémoire me paraissait prodigieuse. Ils se souvenaient, année par année, du caractère des saisons. Ils savaient les dates exactes des menus événements de leur vie et avaient stéréotypé le souvenir précis de leurs recettes et de leurs dépenses. L’impossibilité de rien garder par écrit, et les longues heures d’un travail manuel monotone, où leur esprit ruminait à loisir le passé, le remémorait et l’incrustait dans leur cerveau. Voilà, si je ne me trompe, les conditions spéciales qui aboutissaient à ces phénomènes de mémoire dont s’étonnaient les voisins plus favorisés sous le rapport de l’instruction primaire.

La difficulté de prendre des notes et surtout de les consulter, les longues heures d’isolement, l’absence des distractions qu’apporte la vue du monde