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bordereau et l’écriture de Dreyfus. C’était besogne trop modeste pour lui et trop vulgaire.

Comme il l’a dit orgueilleusement, il n’est pas un graphologue, et il ne croit pas beaucoup à la graphologie. Lui, il est un psychologue, et c’est en psychologue qu’il a étudié les écritures.


LE SYSTEME BERTILLON


I

Il s’est dit : Dans l’hypothèse où Dreyfus serait le traître, il a dû se préoccuper avant tout du cas où il serait pris.

Or, il pouvait être pris de deux façons. Ou bien le bordereau serait trouvé sur lui, ou bien, au contraire, le bordereau serait saisi par le ministère sans qu’on pût en conjecturer l’auteur.

Et pour les deux cas Dreyfus devait avoir des réponses prêtes.

Dans le premier cas, si le bordereau était saisi ou chez Dreyfus, à son domicile, avant qu’il l’eût expédié, ou sur lui, dans sa poche, comment, étant ainsi porteur du document criminel, pouvait-il se défendre ? Il n’avait qu’une ressource : c’est de dire que c’était un coup monté et que des ennemis pour le perdre, avaient glissé, dans son tiroir ou dans sa poche, le bordereau compromettant. Mais pour qu’il pût dire cela, pour que la manœuvre des ennemis fût vraisemblable, il fallait qu’entre l’écriture du bordereau et celle de Dreyfus, il y eût des ressemblances marquées.