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produite par le capitaine Dreyfus au sujet de cet engin tombe, si l’on considère qu’il lui a suffi de se procurer, soit à la direction de l’artillerie, soit dans des conversations avec des officiers de son arme, les éléments nécessaires pour être en mesure de produire la note en question.

À merveille, mais s’il a suffi à Dreyfus, pour être en état de faire la note sur le frein du 120, de causer avec des officiers d’artillerie, n’importe qui pourra faire également la même note pourvu qu’il puisse causer avec des officiers d’artillerie.

Or, comme rien n’interdit à qui que ce soit, comme rien n’interdit surtout à un officier d’infanterie comme Esterhazy d’avoir des conversations avec des officiers d’artillerie, le premier Français venu est, de l’aveu même de l’acte d’accusation, aussi capable que Dreyfus d’avoir rédigé cette note.

Mais pourquoi alors l’acte d’accusation ne se borne-t-il pas à dire que Dreyfus a pu connaître ces documents ? Pourquoi déclare-t-il que ces envois, ayant rapport (au moins trois sur cinq) à des questions d’artillerie, démontrent que l’auteur du bordereau est nécessairement un officier d’artillerie ?

Quoi ! il suffit, pour faire cette note, de causer avec des artilleurs, et vous prétendez qu’il est nécessaire, pour causer avec des artilleurs, d’être artilleur !

Et c’est avec ces niaiseries, c’est avec ces raisonnements d’imbécillité que vous resserrez autour de Dreyfus le cercle de l’accusation !

En vérité, qu’un homme ait pu être livré ainsi à des hommes dont l’esprit est si évidemment au-dessous du niveau humain, cela fait trembler.

Et ce n’est pas seulement à propos du frein du 120 que les accusateurs affirment leur débilité mentale.

Au sujet des troupes de couverture, comparez ce que dit le général Gonse et ce que dit l’acte d’accusation. Le général Gonse déclare (10e audience, tome II, page 110) :