Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/85

Cette page a été validée par deux contributeurs.

coup plus importante rédigée en août et, d’ailleurs, postérieure au bordereau,

La vérité, c’est que ni les premiers enquêteurs, ni les généraux ne pouvaient avoir la moindre idée de ce que signifie, dans le bordereau, la note sur Madagascar. Et quand il suffit au général Gonse de lire dans le bordereau Note sur Madagascar pour admettre d’emblée qu’il s’agit du mémoire secret rédigé en août, il nous donne une idée de la légèreté incroyable, de l’illogisme et de la sottise qui ont faussé toute cette affaire.

En fait, les cinq mentions contenues au bordereau ne sont que des étiquettes, et sous ces étiquettes nul n’a pu conjecturer ce qui se trouvait.

Or, dans un pareil état d’ignorance, ceux qui ont osé conclure de la nature de documents inconnus à la qualité du coupable inconnu se sont livrés à la fantaisie de raisonnement la plus extravagante.

Et notez, je vous prie, que pas un moment, si on lit l’acte d’accusation, cette difficulté n’a effleuré l’esprit des enquêteurs et accusateurs. De même qu’ils n’ont pas pris garde à cette phrase si gênante pour eux et qui mettait Dreyfus hors de cause : « Je vais partir en manœuvres », de même ils n’ont pas songé une minute que, puisqu’ils ignoraient la nature des envois faits par le traître, ils ne pouvaient, avec des données aussi indéterminées, déterminer le coupable.

Non : ils n’y ont pas songé un instant, et je ne crois pas qu’on puisse pousser plus loin l’irréflexion et l’inconscience.

Je me trompe : ils se sont dépassés eux-mêmes, et pour démontrer que Dreyfus a pu se procurer certains documents, ils indiquent des moyens qui ont pu, tout aussi bien, être employés par n’importe qui.

Voici ce que dit l’acte d’accusation :

Si nous examinons ces notes ou documents, nous trouvons d’abord la note sur le frein hydraulique du 120. L’allégation