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de personnes ! Pour prouver que Dreyfus a pu connaître une note sur Madagascar, on est obligé d’avouer qu’elle pouvait être connue de tous !

Comment dès lors déterminer, par la nature des pièces, la qualité de ceux qui les livrent ?

Enfin, pour le bordereau même, pour la pièce essentielle et secrète, on donne cinq photographies aux experts. Quand ils les rendent, on ne s’aperçoit pas qu’il n’y en a que quatre : Où est la cinquième ? Personne n’en a cure, et on est stupéfait, deux ans après, de voir dans le Matin un fac-similé du bordereau.

Que dis-je ? Le Temps, dans son numéro du 14 juin dernier, publiait la note suivante qui prouve combien il y a de fuites au ministère de la guerre :

La composition de la batterie d’artillerie. ― C’est là une question qui, depuis quelques jours, fait bien du bruit dans le monde militaire : en voici l’origine : une instruction confidentielle, sorte de règlement provisoire pour la manœuvre et le tir du nouveau canon de campagne à tir rapide, prévoit la composition de la batterie à quatre pièces, au lieu de six pièces que comporte l’organisation actuelle, etc.

Voilà donc des documents « confidentiels » sur des objets très importants, qui s’échappent tous les jours des bureaux de la guerre et qui, toujours à l’état confidentiel, passent à la publicité des journaux.

Vraiment, quand une administration a à ce degré le génie de la négligence, de l’indiscrétion ou de l’incapacité, quand c’est elle-même qui ouvre, inconsciemment, les fuites par où s’échappent les documenta secrets, elle n’a pas le droit de dire, sans la plus ridicule outrecuidance : Seuls, des officiers de telle arme peuvent connaître des pièces de telle nature. Elle n’a pas même le droit de dire que seuls les officiers des bureaux de la guerre peuvent connaître les documents qui y sont si mal gardés.