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l’écriture du bordereau et celle de Dreyfus une certaine ressemblance, il n’y avait pas contre Dreyfus la plus légère charge ; il n’y avait pas contre lui l’ombre d’un soupçon. On peut parcourir de la première ligne à la dernière, l’acte d’accusation, ou n’y trouvera pas autre chose : le bordereau et seulement le bordereau.

Voici d’ailleurs, textuellement, le début de l’acte d’accusation qui ramène toute l’accusation au bordereau :


M. le capitaine Dreyfus est inculpé d’avoir, en 1894, pratiqué des machinations ou entretenu des intelligences avec un ou plusieurs agents des puissances étrangères, dans le but de leur procurer les moyens de commettre des hostilités ou d’entreprendre la guerre contre la France en leur livrant des documents secrets.

La base de l’accusation portée contre le capitaine Dreyfus est une lettre-missive, écrite sur du papier-pelure, non signée et non datée, qui se trouve au dossier, établissant que des documents militaires confidentiels ont été livrés à un agent d’une puissance étrangère.

M. le général Gonse, sous-chef d’État-Major général de l’armée, entre les mains duquel cette lettre se trouvait, l’a remise, par voie de saisie, le 15 octobre dernier, à M. le commandant du Paty de Clam, chef de bataillon d’infanterie hors cadre, délégué le 14 octobre 1894 par M. le ministre de la guerre, comme officier de police judiciaire, à l’effet de procéder à l’instruction à suivre contre le capitaine Dreyfus. Lors de la saisie de cette lettre-missive, M. le général Gonse a affirmé à l’officier de police judiciaire, délégué et précité, qu’elle avait été adressée à une puissance étrangère et qu’elle lui était parvenue ; mais que, d’après les ordres formels de M. le ministre de la guerre, il ne pouvait indiquer par quels moyens ce document était tombé en sa possession. L’historique détaillé de l’enquête à laquelle il fut procédé dans les bureaux de l’État-Major de l’armée, se trouve consigné dans le rapport que le commandant du Paty de Clam, officier de police judiciaire délégué, a adressé à M. le ministre de la guerre le 31 octobre dernier, et qui fait partie des pièces du dossier. L’examen de ce rapport permet d’établir que c’est sans aucune précipitation et surtout sans viser personne, a