comme après sa condamnation, comme dans la parade d’exécution, a proclamé son innocence.
Depuis, dans chacune de ses lettres, à Saint-Martin-de-Ré, à l’île du Diable, c’est toujours la même protestation, c’est toujours le même cri d’innocence qui sort du tombeau où l’erreur des hommes a enseveli Dreyfus vivant.
Et ce cri terrible, ce cri que rien ne lasse ni ne brise, ce cri qui depuis quatre ans s’élève toujours le même, infatigable et monotone, comme si la protestation de la conscience, à force de se répéter, ressemblait enfin à une plainte de la nature, ce cri de douleur et de vérité finira bien par entrer dans les cœurs et dans les cerveaux.
Ah ! ce sont des étourdis ou des misérables ceux qui osent dire que Dreyfus a avoué : plus coupables aujourd’hui qu’hier, plus coupables demain qu’aujourd’hui, car chaque fois la vérité s’offre à eux et ils la refusent.
Demain, sans doute encore, les hommes d’Etat, dont une ambition effrénée crève la conscience et les yeux, abriteront sous la légende menteuse des aveux, l’effroyable misère morale de leur rêve de grandeur.
Demain aussi les journalistes sans pudeur tenteront encore d’égarer le peuple par cette formule trompeuse mais simple : le traitre a avoué.
Mais qu’ils prennent garde ! Il leur est permis d’attaquer, de diffamer, de calomnier les combattants, tous ceux qui sont dans la mêlée politique et sociale. Mais le peuple réveillé ne leur pardonnera pas d’avoir, par leurs inventions facétieuses, prolongé l’agonie d’un innocent. Il ne leur pardonnera pas, à eux les amuseurs, d’avoir fait de sa trop longue crédulité un nouveau moyen de torture contre un martyr, et tous diront que c’est une triste chose lorsque, dans l’État, le bouffon devient bourreau.
Dès maintenant, il est sûr que Dreyfus n’a pas fait d’aveux. Il est sûr qu’il a toujours affirmé son innocence. Et j’ajoute qu’il en avait le droit : car je vais démontrer qu’en effet il est innocent.