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Dreyfus à un texte de quelques lignes, ne sait même pas dans quelles conditions exactes ce texte a été produit. Ou bien M. Cavaignac savait que le document en question avait été rédigé trois ans après la prétendue conversation de Dreyfus, et en le cachant à la Chambre et au pays, M. Cavaignac s’est livré à une singulière manœuvre. Dans une affaire où la date a tant d’importance, tromper ou équivoquer sur la date, c’est presque un commencement de faux.


II

Mais, du moins, on pouvait espérer que ce rapport, tel quel, dont il exigeait de M. Méline la production, M. Cavaignac, quand il serait ministre de la guerre, le produirait. Il n’en est rien, et dans la fameuse séance du 7 juillet, voici ce que M. Cavaignac apporte à la Chambre sur l’affaire Lebrun-Renaud.

Je cite in extenso, car chaque partie de ce texte devra être sérieusement étudiée ;

Le matin de sa dégradation, Dreyfus fut maintenu pendant quelques heures dans une salle où deux officiers ont recueilli de sa bouche l’aveu de son crime.

Ces deux officiers en ont parlé aussitôt ; et comme le rappelait à l’instant M. Castelin, les aveux de Dreyfus furent publiés, notamment dans une note que je ne cite qu’à titre d’indication et qui parut dans le Temps portant la date du 6 janvier et paru le 5 janvier au soir.

Cette note est ainsi conçue : « Nous avons pu contrôler les paroles de Dreyfus ; les voici à peu près textuellement : « Je suis innocent. Si j’ai livré des documents à l’étranger, c’était pour amorcer et en avoir de plus considérables ; dans trois ans, on saura la vérité et le ministre lui-même reprendra mon affaire. »

Ces paroles ayant été publiées, le capitaine Lebrun-Renaud, l’un des officiers dont je viens de parler, fut mandé au ministère de la guerre ; et là, devant le ministre de la guerre, il raconta ce qu’il avait entendu.