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bien évident que ce doit être un rapport immédiat car pourquoi le capitaine Lebrun-Renaud, s’il a été ainsi frappé et s’il a cru nécessaire de faire un rapport au ministre, aurait-il attendu plusieurs semaines, ou même plusieurs jours ? Tel était évidemment le sens des paroles de M. Cavaignac. Telle était certainement sa pensée. Or, lui-même, neuf jours après, était obligé de se démentir. L’attestation du capitaine Lebrun-Renaud n’a été signée que « plus tard ».

Ainsi, cet homme sévère, qui fonde toute sa conviction sur une prétendue phrase de Dreyfus rapportée par le capitaine Lebrun-Renaud et qui veut, par cette seule phrase, former la conviction du pays, ne savait même pas, avec exactitude, quand il en a parlé la première fois à la tribune, la date du rapport Lebrun-Renaud ; et, faussement, il laissait entendre que ce rapport était contemporain de la dégradation.

Neuf jours après, mieux renseigné, il rectifie. Mais le fait-il loyalement ? Non, certes : il dit que le rapport a été signé « plus tard ».

Mais quelqu’un pouvait-il supposer que ce n’était que trois ans après, en octobre ou novembre 1897, quand l’État-Major acculé chercherait de tout côté des documents et des appuis, que l’attestation avait été signée ?

Si M. Cavaignac l’avait dit, s’il avait avoué à la Chambre que l’attestation dont il avait parlé si audacieusement le 15 janvier n’avait été rédigée et signée que trois ans après l’événement, et sur la demande des bureaux de la guerre, il aurait singulièrement affaibli l’impression de ses paroles. Aussi s’est-il bien gardé de parler clairement. Il s’est borné à dire « plus tard ». Il a rectifié son erreur du 13 avec une austère rouerie, et il a été assez vague pour ne pas laisser apparaître la vérité vraie.

Pourtant, ou M. Cavaignac ignorait encore, le 22 janvier, que le rapport, selon lui décisif, était postérieur de trois ans aux faits ; et on ne peut qu’admirer la stupéfiante légèreté de cet homme qui, réduisant toute l’affaire