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tenait à voir le ministre, à se défendre directement devant lui, et il le tentait par la promesse d’une entrevue pour obtenir au moins un commencement ou un semblant d’aveu.

Pour toute réponse, Dreyfus proteste de son innocence une fois de plus.


III

Après la condamnation, le commandant du Paty de Clam revient à la charge. Quatre jours avant la dégradation, quand il peut supposer que l’énergie du condamné est brisée par cinquante jours de détention et par l’attente de l’horrible supplice, il se présente de la part du ministre et une dernière fois sollicite l’aveu.

Une fois encore, Dreyfus affirme qu’il est innocent, et il écrit au ministre :

Monsieur le Ministre,

J’ai reçu par votre ordre la visite du commandant du Paty de Clam, auquel j’ai déclaré que j’étais innocent et que je n’avais même jamais commis la moindre imprudence.

Je suis condamné, je n’ai aucune grâce à demander, mais, au nom de mon honneur qui, je l’espère, me sera rendu un jour, j’ai le devoir de vous prier de vouloir bien continuer vos recherches.

Moi parti, qu’on cherche toujours, c’est la seule grâce que je sollicite.

Et il écrit à Me Demange, son avocat :

Cher Maître, 3 janvier 1895.

Je viens d’être prévenu que je subirai demain l’affront le plus sanglant qui puisse être fait à un soldat.

Je m’y attendais, et je m’y étais préparé, le coup a cependant été terrible. Malgré tout, jusqu’au dernier moment, j’espérais qu’un hasard providentiel amènerait la découverte du véritable coupable.