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LES PRÉTENDUS AVEUX

I

Et j’aborde tout de suite la légende des aveux de Dreyfus. Il importe, avant d’entrer dans le fond de l’affaire, de dissiper ce mensonge par lequel on prétend même supprimer la discussion.

Les aveux de Dreyfus, c’est l’argument principal de M. Cavaignac. Dans son discours du 7 juillet dernier, il n’a pas dit un mot de la légalité du procès ; bien mieux, quand il a résumé les faits qui, selon lui, démontrent la culpabilité de Dreyfus il n’a pas dit un mot du bordereau. Il considère sans doute qu’il n’est plus possible aujourd’hui de l’attribuer à Dreyfus.

Il s’est appliqué, laborieusement, à démontrer l’authenticité d’une pièce secrète qui est le faux le plus ridicule ; mais il ne s’est pas risqué à dire que sa « certitude » reposait là-dessus.

Non, sa certitude, c’est sur les prétendus aveux de Dreyfus qu’il la fonde tout entière. Il dit textuellement :

« Messieurs, ce n’est pas tout : il y a encore un autre ordre de faits. Et je déclare, quant à moi, dans ma conscience, que, tout le reste vint-il à manquer, ce seul ordre de faits serait encore suffisant pour asseoir ma conviction d’une façon absolue ! Je veux parler des aveux de Dreyfus. »

Si c’est là, pour M. Cavaignac, l’argument principal décisif, c’est, pour M. Rochefort, le seul. Il se borne à dire : « Dreyfus a avoué. » Quand on le presse, quand on démontre que le bordereau est d’Esterhazy, et que