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démontrée, du procès Dreyfus et contre la monstrueuse prétention d’Alphonse Humbert de sceller à jamais ce crime militaire dans l’impénétrabilité du huis clos.



Illégalité et Raison d’État

I

Et ce qu’il y a de plus grave, c’est que cette illégalité certaine, indiscutable, n’était commandée par aucun intérêt national. On a beaucoup dit, dans les journaux, que si on n’avait pas montré à l’accusé et à son défenseur les pièces secrètes communiquées aux juges, c’était afin de ne pas blesser les puissances étrangères, auxquelles ces pièces avaient été dérobées.

Cette raison est misérable, car le huis clos supprimait à cet égard tout péril.

Que craignait-on ? Que pouvait-on craindre ? Que l’avocat commît une indiscrétion ? Mais il méritait autant de confiance que les six juges militaires auxquels les pièces furent montrées.

Craignait-on que l’accusé ne parlât ? Il était au secret, rigoureusement isolé du reste du monde. Et plus tard, s’il était reconnu innocent, nul n’aurait regretté, j’imagine, de lui avoir fourni les moyens de s’expliquer, de se défendre. Si, au contraire, il était reconnu coupable, il était plus que jamais séparé des autres hommes, muré vivant dans un tombeau d’où aucune parole indiscrète ne pouvait s’échapper.

Prononcer le huis clos pour soustraire le débat à l’étranger, et ensuite, dans cette salle bien close, laisser