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d’un mot en lui disant : « Vous voyez bien qu’il y a des preuves décisives contre Dreyfus. »

Bien mieux, trois ans après la condamnation de Dreyfus, en décembre 1897, quand le général de Pellieux enquête sur Esterhazy et demande aux bureaux de la guerre de rassurer sa conscience par une preuve certaine de la culpabilité de Dreyfus, l’État-Major lui sert le faux Henry.

L’eût-il fait s’il eût eu des rapports décisifs de ses agents prussiens ?

Donc, ou ces rapports sont une invention misérable ou ils sont une nouvelle série de faux, s’ajoutant aux huit faux déjà officiellement connus.

Ou peut-être, les agents de Berlin, assurés de plaire en pourvoyant l’État-Major aux abois de documents sauveurs, lui ont-ils adressé tout ce qu’il voulait.

La date tardive suffit à démontrer l’imposture.

Bandits, nous n’avons pas besoin de connaître le nom de vos agents berlinois pour établir votre besogne de faussaires.

Nous n’avons pas eu besoin, pour démontrer que le bordereau est d’Esterhazy, de savoir par quel agent il avait été saisi.

Nous n’avons pas eu besoin, pour que l’authenticité du « petit bleu » fût certaine, de savoir s’il avait été porté au ministère par un agent complice, ou s’il avait été fabriqué directement par Henry lui-même.

Nous n’avons pas besoin de savoir le nom de l’agent qui vous a vendu la lettre de Guillaume pour être assurés que c’est un faux imbécile.

Cachez donc, si vous voulez, la signature des agents berlinois qui sont venus à votre secours contre espèces sonnantes, mais montrez les pièces elles-mêmes : la marque du faux éclatera d’emblée.