Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/303

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Aujourd’hui nos généraux hésitent à produire cette pièce imbécile parce que l’aventure d’Henry, si elle ne les a pas rendus honnêtes, les a rendus prudents.

Mais il est probable qu’ils ont eu, un moment, ce document terrible dans quelque tiroir mystérieux devant lequel leur sottise montait la garde comme un dogue au collier hérissé de clous.

Cette lettre, il faut qu’ils la montrent. Il faut que nous sachions au juste si nous avons eu des chefs assez niais pour croire à l’authenticité d’un pareil document, ou assez criminels pour faire jeter à la foule, par l’intermédiaire de Rochefort, un faux connu pour tel.

Oui, il faut que sur ce point la lumière se fasse. Il faut qu’au prochain procès Dreyfus, Rochefort, appelé comme témoin, soit invité à dire s’il a inventé de toutes pièces cette histoire, ou s’il la tient, en effet, d’une « haute personnalité militaire », comme l’affirme l’Intransigeant.

Pour moi, j’incline à penser que cette pièce était, au ministère de la guerre, une sorte de faux hors du cadre.

Il y avait des pièces fausses, comme des lettres fabriquées par Henry, qui étaient, si je puis dire, enrégimentées et encadrées. Elles étaient là, au premier rang, toutes prêtes à marcher au premier signal des faussaires.

Il y en avait d’autres qui rôdaient, si je puis dire, tout autour de l’enceinte régulière des faux. On n’osait pas trop les introduire au dossier officiel et au cœur de la place. Elles étaient comme des aventuriers campés dans les faubourgs. On se réservait de les mobiliser si les autres succombaient. Ou bien on les destinait à Rochefort.


IV

Il semble bien que les bureaux de la guerre constituaient des sous-dossiers, je dirai même des extra-dossiers, pour des usages irréguliers et inconnus.

Voici ce que dit devant la cour d’assises (Tome I, page 375) le colonel Henry :