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avaient balayé les inventions ineptes de Rochefort et de Millevoye.


III

Je ne m’arrêterai pas longtemps à les discuter. Elles sont dix et vingt fois absurdes.

D’abord, si, au moment du procès, l’État-Major avait eu en main des lettres de Dreyfus lui-même, adressées à l’ambassade et signées de lui, il s’en serait servi.

Il n’avait que le bordereau, et pour pouvoir l’attribuer à Dreyfus, il était obligé de faire appel aux imaginations délirantes de du Paty et de Bertillon.

Il ne sert à rien de dire qu’on ne pouvait utiliser légalement les lettres dérobées à l’ambassade d’Allemagne : le bordereau aussi y avait été dérobé et il était la base légale de l’accusation.

Et quelle joie c’eût été pour du Paty l’enquêteur et pour l’État-Major, quand Dreyfus protestait de son innocence pendant toute l’instruction et au procès même, de lui faire rentrer dans la gorge ce cri mensonger en lui montrant, à huis clos, les lettres écrites par lui à l’ambassade !

On ne les avait pas et l’Intransigeant a menti.

S’il y en avait maintenant au dossier, c’est qu’après coup les faussaires galonnés les auraient fabriquées.

Puis, l’idée qu’un empereur, un chef d’État va se compromettre personnellement dans une correspondance d’espionnage est bien la plus folle qui se puisse imaginer.

On comprend très bien que Guillaume II ait fait savoir récemment par la Gazette de Cologne qu’on pouvait publier ses lettres, qu’il ne s’en offenserait pas. Je le crois bien ; elles couvriront de ridicule notre État-Major, capable de prendre au sérieux de telles niaiseries.

Pour nous qui ne sommes pas des patriotes de métier,