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des relations de camaraderie assez intimes avec le colonel Schwarzkoppen, et il m’arriva souvent, dans les conversations nombreuses que j’eus avec lui, de faire allusion à l’affaire Dreyfus.

» Et voici, résumé, ce que j’ai appris :

» Quelques jours avant l’arrestation de Dreyfus, le comte de Munster, ambassadeur d’Allemagne, s’était rendu chez M. Charles Dupuy, président du Conseil des ministres, et lui avait tenu le langage suivant :

« On a soustrait dans les bureaux de l’ambassade une liasse de documents, huit lettre qui m’étaient adressées. C’est une véritable violation du territoire en temps de paix.

» J’ai le regret de vous informer que si ces lettres ne me sont pas restituées immédiatement, je quitterai Paris dans les vingt-quatre heures. »

» Les documents furent rendus séance tenante au comte de Munster.

» Seulement ils avaient été photographiés, et ce sont les photographies qui ont été mises sous les yeux des juges du Conseil de guerre.

» Sur les huit lettres, sept émanaient de Dreyfus. »

Cette déclaration sur la sincérité de laquelle aucun doute n’est possible, confirme absolument les renseignements publiés plus haut d’autre source.

Des huit lettres soustraites, sept étaient de Dreyfus. La huitième était évidemment la missive impériale où le capitaine Dreyfus était nommé, et qui fut la cause du langage tenu par l’ambassadeur allemand M. Dupuy.

Voilà ce que l’Intransigeant osait raconter à ses lecteurs. Le gouvernement, ayant cru devoir opposer à ces monstrueuses inepties un démenti officiel, Rochefort intervint de sa personne ; sous le titre : « Démentis négligeables », il publiait ceci :

Billot et Méline, tout en feignant de s’incliner devant la chose jugée, laissaient volontiers entendre que quoique déclaré coupable à l’unanimité, il n’y aurait rien d’extraordinaire à ce que le déporté de l’île du Diable fût innocent, étant donné le peu d’infaillibilité de la justice humaine.

Or, lorsque Billot, autant par crainte des manifestations